Dans le Var, un projet en béton désarmé. Un site de Pierre et Vacances gelé. A la fureur du promoteur et des élus.
Posté par admin le 19 mars 2011
30/08/1997 À 06H51
Dans le Var, un projet en béton désarmé. Un site de Pierre et Vacances gelé. A la fureur du promoteur et des élus.
LEAUTHIER Alain
Cavalaire, (envoyé spécial)
Il ne fait pas bon se mêler de défendre l’environnement dans le Var. On risque de retrouver sa photo, son nom, adresse et numéro de téléphone dans un bulletin municipal avec appel à peine voilé au lynchage. C’est exactement la mésaventure survenue à plusieurs responsables d’associations de défense de l’environnement oeuvrant sur les communes de Cavalaire et La Croix-Valmer, deux perles nichées au pied du massif des Maures, et plus largement sur l’ensemble du golfe de Saint-Tropez. Ils ont néanmoins passé un des meilleurs étés de leur vie car, le 30 juin, le tribunal de Draguignan leur a accordé 10 000 francs en condamnant le maire UDF de Cavalaire Louis Foucher contre lequel ils avaient porté plainte pour «injures, diffamation, menaces et atteintes à la vie privée». L’élu avait eu l’idée d’une délicate initiative rédactionnelle accompagnée d’un bandeau rageur: «Les deshonoris causa de la baie de Cavalaire. Les persona non grata de La Croix-Valmer et de Cavalaire.» Les quatre «Wanted» ne sont pourtant ni de dangereux criminels ni des agitateurs professionnels mais, avec d’autres, se battent paisiblement depuis des années pour freiner l’inexorable bétonnage du littoral varois.
Golf et résidences touristiques. La vigueur des réactions vient de l’ampleur du projet, baptisé Aiguemer, qu’ils ont réussi à faire capoter: sur un site de près de 90 hectares, la zone naturelle de Pardigon, à cheval sur les deux communes, le groupe Pierre et Vacances voulait construire un golf 18 trous entouré de «résidences touristiques» sur 35 000 m2. L’endroit est une ancienne plaine agricole allant du bas des collines vers la mer, autrefois couverte de vignes et aujourd’hui rendue à une végétation typique des rivages méditerranéens. Pour les associations il s’agit d’une «coulée verte» dans un paysage qui l’est de moins en moins. Le 4 juillet 1996, après bien des péripéties et plusieurs recours, le tribunal administratif de Nice a annulé le dernier arrêté préfectoral autorisant la création d’une ZAC et, se basant sur l’article 146-6 de la «loi littoral», a estimé qu’il s’agissait «d’un paysage remarquable et caractéristique du patrimoine naturel et culturel varois». Adieu golf et «vacances de rêves» pour les milliers d’estivants supplémentaires espérés dans les appartements avec «vue admirable sur la mer». Cette décision gèle purement et simplement le site. La réaction des élus, ne s’est pas fait attendre. Dans son bulletin, «La Gazette du village», Pierre Bérenguier, maire de La Croix-Valmer s’en prend à «quelques élitistes en mal d’environnement, ardents défenseurs de leur pré carré». Sous le titre «Deux communes en danger de mort programmé», Louis Foucher prophétise, lui, une catastrophe économique pour sa ville, avec la perte de «420 emplois qui n’existeront jamais». Chiffre tiré de projections dont les associations contestent le sérieux. «Ce projet d’aménagement, ajoute l’élu, par son caractère exemplaire permettait (..) de réaliser une protection forte de cet espace littoral condamné sans cela.» On comprend le courroux des deux maires privés des grasses recettes fiscales, taxes d’habitation et professionnelles, qu’aurait générées le projet. «Je maintiens tout ce que j’ai dit, a expliqué Louis Foucher à Libération. Ces gens ont fait capoter des années de négociations. Le projet était formidable. et maintenant on ne peut plus rien construire, c’est absurde. Ils m’ont traité de « para-mafieux, m’ont accusé d’avoir touché des pots-de-vin de Pierre et Vacances et moi on me reproche ce malheureux bulletin municipal. C’est trop facile. Tout ça, alors qu’on aurait pu aménager raisonnablement cet endroit.» C’est le classique argument brandi depuis des années pour justifier l’urbanisation constante du littoral français. Devenu acquéreur des terrains en 1988, Pierre et Vacances avait prévu initialement plus de 80 000m2 de logements, hôtels et commerces. Dans un premier temps, seule l’association intercommunale Vivre dans la presqu’île de Saint-Tropez, dirigée par un industriel limougeaud, Jean-Pierre Verspieren, s’est opposée frontalement au groupe dirigé par Pierre Brémond. Les deux associations locales, Pour la sauvegarde de la baie de Cavalaire et Pour la sauvegarde des sites de La Croix-Valmer préféraient négocier une révision à la baisse et ont d’ailleurs obtenu partiellement satisfaction en 1993. Mais, comme le reconnaissent aujourd’hui leurs présidents respectifs, Yves Buchholtzer et François Rémond, «Pierre et Vacances n’a pas tenu ses engagements, ils ont cherché à nous avoir, ils nous avaient ainsi promis qu’ils ne construiraient rien entre la route et la mer et ils ont fait le contraire, ils pensaient probablement nous rouler dans la farine. Ils se sont fourvoyés.»
«Béton vert». Tout le monde s’est donc retrouvé face au numéro un de l’immobilier de tourisme qui n’en est pas à son premier combat contre les défenseurs de l’environnement. Cette fois Pierre et Vacances a bénéficié du soutien appuyé de la Direction départementale de l’équipement (DDE) et implicitement de Bernard Pons, l’ancien ministre de l’Equipement, du Logement, des Transports et du Tourisme qui a plaidé le dossier de Brémond auprès de son collègue d’alors en charge de l’Environnement. Du coup l’Etat a fait appel du jugement du tribunal de Nice alors que les magistrats, fait exceptionnel, s’étaient rendus sur place avant de trancher. Il revient maintenant à la cour administrative d’appel de Marseille de se prononcer définitivement. En attendant pour Brémond, c’est déjà un coup rude. Le «petit «prince» de l’immobilier de tourisme, un des rares qui a relativement échappé à la crise du secteur, tente de faire oublier qu’il aura été un des grand bétonneurs de la Côte d’Azur et des Alpes. Son dernier cheval de bataille, le «béton vert», dont Aiguemer devait être une des plus belles et lucratives illustrations, est mal en point. Pour l’instant c’est la nature, toute simple, qui l’emporte.
Source:
Entièrement d’accord, ce magnifique coin de paradis mérite d’être protégé, Pierre et Vacances a eu suffisamment à bétonner depuis 25 ans.