- A Mesdames et Messieurs, les conseillères et conseillers généraux.
Posté par admin le 6 janvier 2015
A Mesdames et Messieurs, les conseillères et conseillers généraux.
Quelle ne fut pas ma stupeur en apprenant que la route reliant Roybon à Montrigaud était fermée. Cette route permet aussi de rejoindre Romans et la vallée du Rhône via Saint Donat.
Lisant rapidement les raisons de cette décision du conseil général, je n’ai d’abord lu que le passage précisant que c’était en raison « des évènements liés à la réalisation du Center parcs, » que cette route était barrée.
J’ai tout de suite pensé que le défrichage de la forêt des Avenières était en cause.
- Peut être les sangliers, dérangés de leur bauge, étaient-ils venus se réfugier sur cette route plutôt calme ?
- Les monstrueux engins, après avoir détruit des hectares de forêt, étaient peut-être passés par la RD 20 F, y créant bien involontairement d’énormes trous rendant la circulation tout à fait impossible?
- La société Pierre et Vacances, initiatrice de ce défrichage pour installer sur ce lieu un Center parcs, faisait peut-être installer des couloirs, passerelles et autres corridors écologiques, pour que les crapauds, hérissons et jeunes levrauts, puissent traverser sans dommage cette route ? C’aurait été une excellente initiative montrant que Monsieur Brémond, plus que le préfet de l’Isère, s’intéressait aux espèces protégées.
Mais il n’en était rien, la raison en était beaucoup plus prosaïque : le département « ne peut assurer la viabilité hivernale » de cette partie de route. Nous connaissons tous les difficultés financières du département. Outre les quelques kilos de sel qu’il ne peut acheter pour éviter le verglas, il ne peut non plus assurer l‘entretien de la route de Viriville à Roybon qui depuis plus d’un an est dégradée à deux endroits différents. La chaussée peut, à tout moment s’effondrer dans le ravin. Le col de la Madeleine est impraticable depuis de nombreux mois et les routes qui y accèdent sont fermées.
Devant une telle situation on ne peut que s’étonner de la générosité du conseil général envers monsieur Brémond. Ce n’est pas moins de 7 millions d’euros qui seraient versés à Pierre et Vacances si se faisait le Center parcs. Combien de kilos de sel ? Le conseil général nous explique que, voulant « s’assurer de la maîtrise foncière de certains équipements structurants (accès principaux, voies et réseaux, partie de la forêt, … ” il achèterait « ces éléments après leur achèvement » et en laisserait l’usufruit à Pïerre et Vacances. Ces équipements seraient récupérés au bout de quelques dizaines d’années. Qui peut croire qu’il en resterait quelque chose ?
Je suis allée sur le lieu, là où stationne la voiture de gendarmerie. Pas trace du moindre brin de verglas, ni au-delà, ce qui a d’ailleurs été confirmé par les personnes qui avaient empruntée la RD 20 F, à pieds. D’autre part ce serait bien la première fois que je verrais interdire une route pour causes d’intempéries ! Si elle est si dangereuse qu’on doive l’interdire comment concevoir qu’elle reste accessible aux riverains ? Ils peuvent mourir en paix à côté de chez eux ou de leur terre ?
Evidemment personne n’est dupe. La ZAD et les zadistes, depuis plus d’un mois sont installés dans la maison forestière de la Marquise. Bien installés. Et soutenus par de nombreuses personnes qui leur apportent nourriture, matériel, ou simplement soutien. Mais, si c’est pour isoler les zadistes que le conseil général fait couper la route, il se trompe.
Un petit rappel : en décembre 1942, la zone libre, est occupée par les Allemands. Des militaires de Lyon, dont le brigadier Lahmery dit “ Bozambo “, désertent. Ils quittent leur caserne avec armes et chevaux et s’installent dans les bois du Grand Serre constituant un des premiers maquis des Chambarans. En 1944, Bozambo ne gagne pas le Vercors, qu’il considère comme une nasse, il reste dans les Chambarans où, d’une vallée on passe à l’autre, sans histoires. (C’est Madame Vincendon, décédée aujourd’hui, qui en 2004 lorsqu’on a commémoré à Roybon la fin de la guerre, nous a parlé de Bozambo qu’elle avait bien connu.)
Ne vous y trompez pas : zadistes et leur soutien, comme Bozambo et ses maquisards, trouveront les chemins, -boueux certes !- pour vivre et survivre dans ces bois.
Mais, plus inquiétant, cette route bloquée n’est elle pas le prémice d’un envoi des troupes du désordre pour déloger les occupants de la Marquise ?
Le moment serait-il venu pour, comme le réclame André Vallini, le gouvernement prenne « les dispositions nécessaires pour faire cesser cette illégalité ? » Il est illégal, sans doute, d’occuper une maison inhabitée depuis des années. Par contre, il n’est pas illégal de détruire des hectares de forêts, d’impacter une zone humide, de mettre en danger le château d’eau d’une partie de la Drôme. Il n’est pas illégal de laisser les bulldozers bouleverser le sol, créer des ornières, écraser bêtes et plantes, déverser allègrement huile et essence. Il n’est pas illégal de passer outre les douze points rédhibitoires relevés par les commissaires enquêteurs de l’enquête de la loi sur l’eau qui conclut que ce centre de tourisme ne doit pas se faire. Il n’est pas illégal de commencer des travaux alors que les recours n’ont pas été examinés, recours d’ailleurs qui concluront à l’arrêt des travaux !
Monsieur Vallini veut que la France reste la France et que l’on continue « à construire des aéroports, des barrages, des autoroutes, des lignes de TGV des équipements de tourisme ». Vous oubliez, Monsieur, les centrales nucléaires et les gaz de schistes. On croit rêver ! Les aéroports où personne n’atterrit et les autoroutes où personne ne passe, sont quotidiennement remis en cause et pas seulement par les adeptes de la décroissance. L’aéroport de Toulouse est obligé de trouver des capitaux auprès des Chinois, qui viennent de racheter le Club Méditerranée et envisagent de recapitaliser Pierre et Vacances. Cette société a déjà bétonné une partie du territoire, de la mer à la montagne, et il faudrait, pour faire plaisir à Monsieur Vallini, qu’on la laisse bétonner la campagne épargnée jusque là ?
Plus inquiétant encore que l’invite de Monsieur Vallini à déloger les zadistes, l’intervention de Monsieur Barbier, à la chambre des députés le 3 décembre. Je n’épiloguerai pas sur les erreurs de ce monsieur : quand on doit assurer quatre mandats on n’a pas forcément le temps de lire les conclusions de la commission d’enquête pour constater que le projet ne répond pas du tout aux prescriptions de la loi sur l’eau ! Pas le temps, non plus, de compter les emplois que devrait créer ce fabuleux centre de loisir !
Jean Pierre Barbier n’hésite pas à se plaindre auprès de Manuel Walls, premier ministre – il n’y a plus de différence de parti en cas de danger ! –et à solliciter son aide contre les zadistes. « doux diminutifs d’anarchistes, venus de partout en France, (qui) tentent par l’intimidation et la violence d’imposer leur vision de la société de demain. L’heure est grave ! » On pourrait rire d’une telle demesure, mais je n’ai pas envie de rire quand je sais que cette exagération a déjà entraîné des réactions d’une violence rare de la part de certains Roybonnais, abusés. Pas envie de rire de les voir accusés d’avoir contesté l’implantation du Center parcs, sur le terrain, de manière illégale et parfois violente, dites vous, alors que l’illégalité était bien d’avoir commencé un défrichage avant que toutes les procédures de recours n’aient été terminées.
Messieurs Barbier et Vallini, allez vous demander au préfet d’envoyer les gendarmes et CRS– dommage qu’il n’y ait plus de militaires à Chambarans ! – pour faire évacuer la ZAD ? Mesurez-vous les conséquences de cette décision si vous la preniez ? Outre les risques d’incidents qui pourraient se produire sur le site, ce sont de nombreuses autres ZAD et autres lieux de contestation et de révolte dont vous encourageriez la création.
Vous n’avez pas compris qu’il ne s’agit pas, d’une « cinquième colonne » téléguidée par une URSS qui n’existe plus, mais bien du mouvement de refus d’une société qui ouvre les gymnases pour que les vacanciers puissent s’y abriter – et tant mieux ! – mais qui les ferme aux SDF. Société où les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres. Pour beaucoup, Monsieur Vallini, la France n’est pas celle à laquelle vous aspirez, la France du toujours plus. Les zadistes font partie de ceux qui contestent le capitalisme, – on dit « libéralisme » aujourd’hui ! – et le capitalisme de Pierre et Vacances, ils n’en veulent pas. Ils ne sont pas les seuls. A côté de ceux qui ont investi la Marquise, j’ai été étonnée de voir le nombre et la détermination des personnes venues les soutenir. Ils ne lâcheront rien ! Nous ne lâcherons rien !
Monsieur Rambaud, conseiller général responsable des routes, Mesdames et Messieurs les conseillères et conseillers généraux, avez-vous été consultés avant que la décision de fermer cette route ne soit prise ? Je connais certain(e)s d’entre vous, avez-vous mesuré les conséquences de cette décision ? Est-il normal que de simples promeneurs, soient arrêtés, contrôlés, fichés, voir filmés ? Est-il normal que des gendarmes soient mobilisés de tout le département pour ce travail de basse police ? N’ont-ils pas de tâches plus utiles et plus valorisantes à accomplir ?
On peut vouloir ce Center Parcs destructeur de nature et de liens sociaux, on peut refuser que des « zadistes », par l’action directe empêchent sa réalisation, est-ce une raison pour mettre en place ce qui pourrait devenir une chasse à l’homme ?
Je vous prie d’agréer mes salutations.
Michelle Pistone, le 05/01/2014
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