Un an après le drame de Sivens, le dialogue environnemental est en panne
Le Monde.fr | 26.10.2015 à 15h18 • Mis à jour le 26.10.2015 à 15h31 | Par Rémi Barroux
La mort de Rémi Fraisse, en octobre 2014 à Sivens dans le Tarn, a accéléré la réforme du dialogue environnemental. REGIS DUVIGNAU/REUTERS
Un an après la mort du jeune militant écologiste Rémi Fraisse à Sivens, dans le Tarn, tué lors d’une manifestation contre le projet de barrage par une grenade lancée par les forces de l’ordre dans la nuit du 25 au 26 octobre 2014, la question reste entière : comment éviter qu’un nouveau drame ne survienne à l’occasion des grands projets d’infrastructure ? De l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, près de Nantes, au Center Parcs à Roybon en Isère, en passant par les lignes à grande vitesse dans le Sud-Ouest, les oppositions sont nombreuses.
Les réformes du débat public et le renforcement de la démocratie environnementale promises après le drame de Sivens tardent à venir. Et les débats publics autour de certains projets restent grippés.
Bon ou mauvais projet
« Un mauvais projet doit être arrêté rapidement […] et un bon projet doit être mené à bien rapidement », avait assuré le chef de l’Etat lors de la conférence environnementale, le 27 novembre 2014.
Mais qu’est-ce qu’un bon ou un mauvais projet ? Des procédures existent déjà pour évaluer les impacts environnementaux, sociaux et économiques. L’enquête d’utilité publique, lancée par le préfet, d’une durée minimum d’un mois, permet en principe d’informer et de consulter le public à partir d’une étude d’impact. Elle débouche généralement sur une déclaration d’utilité publique, la DUP.
De nombreux dossiers font aussi l’objet d’une saisine de la Commission nationale du débat public (CNDP), créée par la loi Barnier du 2 février 1995, sur la protection de l’environnement. Cette autorité administrative indépendante a pour mission « d’informer les citoyens et de faire en sorte que leur point de vue soit pris en compte dans le processus de décision ». Quand le coût de ces équipements (création d’autoroutes, de lignes ferroviaires, de voies navigables, d’installations nucléaires, d’aéroports, de gazoducs, de barrages hydroélectriques, d’équipements industriels, sportifs, culturels, scientifiques ou touristiques) dépasse les 300 millions d’euros, la saisine du CNDP est automatique.
Le sénateur socialiste (Val-d’Oise) Alain Richard, animateur de la Commission sur la modernisation du droit de l’environnement et chargé, en février 2015 par la ministre de l’environnement, Ségolène Royal, de conduire les travaux d’une « commission spécialisée sur la démocratisation du dialogue environnemental », n’est, lui, pas choqué par ce scénario.« L’opportunité d’une ligne TGV n’est pas régie par des textes réglementaires, cela reste à l’appréciation des pouvoirs publics, y compris en surmontant des objections, explique-t-il. Nous ne travaillons pas sur une réforme de la Constitution : c’est le gouvernement qui gouverne et prend ses responsabilités. »
Cette commission sur la démocratisation du dialogue a présenté ses conclusions en juin. Alain Richard propose notamment d’organiser des procédures de « concertation en amont » sur des préprojets, avant que tout ne soit décidé.
Le président de la CNDP, Christian Leyrit, ingénieur général des Ponts, des eaux et forêts, n’est pas le dernier à déplorer l’inefficacité du dispositif actuel. A l’occasion de plusieurs débatsmenés par cette autorité, il a constaté l’impossibilité de faire évoluer les projets, y compris quand ceux-ci étaient contestés.
Les grands projets d’infrastructure mettent souvent des années à se réaliser, comme à Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), ce qui rend inefficaces les concertations et le dialogue. ALAIN JOCARD / AFP
« Impératifs de confidentialité »
Le cas du parc éolien en mer de Dieppe-Le Tréport (Seine-Maritime), dont les conclusions du débat ont été présentées au public le 1er octobre, est emblématique. La zone maritime retenue pour ce parc de soixante-deux éoliennes est identique à celle qui avait fait l’objet d’une forte opposition des pêcheurs lors d’un précédent débat public en 2010. « C’est d’autant plus incompréhensible que des concertations approfondies avec les pêcheurs ont permis de trouver des solutions acceptables par tous », écrit M. Leyrit dans ses conclusions.
Dans le cadre de ce débat, la préfecture maritime n’a pas été en mesure, écrit le président de la CNDP, d’indiquer les modalités de la pêche ou son interdiction à l’intérieur du parc. En outre, le maître d’ouvrage n’a pas apporté les éléments économiques et financiers relatifs à son offre, invoquant des « impératifs de confidentialité liés au contexte concurrentiel ». Christian Leyrit prévient donc pour sa part qu’il ne « fera plus de débat dans de telles conditions, où l’on ne peut rien changer, où tout est décidé ».
Autre dossier : les conclusions de deux débats publics sur des projets de Center Parcs, au Rousset (Saône-et-Loire) et à Poligny (Jura), vont être présentées le 3 novembre. Là aussi, les oppositions ont été virulentes. Là aussi, l’information et la confrontation entre les protagonistes ont montré leurs limites. « Un débat public doit porter sur l’opportunité du projet, or un projet de Center Parcs est peu malléable : il correspond à un modèle clés en main peu susceptible d’intégrer les demandes de modifications des citoyens », conclut la CNDP. L’impression de« passage en force » prévaut encore.
Les associations de défense de l’environnement n’apprécient guère ces contradictions entre la volonté affichée de dialogue du gouvernement et la réalité. France Nature Environnement (FNE) a ainsi boycotté la dernière réunion de la commission Richard, le 14 octobre, qui devait discuter des projets d’ordonnance sur la réforme du droit environnemental. « Pendant que l’on discute dans cette commission, des décisions contraires à l’esprit du dialogue sont prises par le gouvernement, par exemple sur les lignes TGV dans le Sud-Ouest. Manuel Valls sait-il seulement ce que veut dire dialogue ? », s’insurge Denez Lhostis, président de FNE.
« Ce processus peut paraître assez long, mais le fait est que le ministère de l’écologie veut faire évoluer le dialogue environnemental, justifie Laurence Monnoyer-Smith, commissaire générale au développement durable. C’est un travail de fond et complexe. »
Conflit entre l’intérieur et l’écologie
Un projet de décret de réforme de l’autorité environnementale en région est toujours en phase de rédaction. Il prévoit de transférer celle-ci à une autorité indépendante, alors que le préfet l’exerçait jusqu’alors. Mais ce dernier, dans nombre de dossiers, est aussi maître d’ouvrage, d’où de possibles conflits d’intérêts ou l’impossibilité de réaliser des médiations entre deux positions opposées. Pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne, la France doit réformer ce système.
Mais, explique-t-on au ministère de l’écologie, les préfets et le ministère de l’intérieur ne voient guère d’un bon œil la perspective d’être dessaisis de cette prérogative. « L’indépendance de cette future autorité ne peut pas être discutée, et le préfet reste une autorité déconcentrée de l’Etat », explique Mme Monnoyer-Smith.
Les ordonnances et le décret devraient être publiés au début de l’année 2016. Ces nouveaux textes ne changeront donc rien s’agissant des dossiers déjà en cours. « L’effet modérateur qu’apportera cette réforme de la démocratie environnementale profitera aux projets qui sortiront dans les prochaines années », précise le sénateur Alain Richard.
Jean-Jack Queyranne favorable à un référendum sur la question du Center Parcs de Roybon
Invité de « La Voix Est Libre » sur France 3 Alpes, ce samedi 24 octobre, le candidat socialiste à la nouvelle Région Auvergne-Rhône-Alpes s’est exprimé en faveur d’un référendum autour du projet duCenter Parcs de Roybon, en Isère.
Par Franck Grassaud
Publié le 24/10/2015 | 12:54, mis à jour le 24/10/2015 | 13:50
C’est un dossier qui a fait couler beaucoup d’encre ces derniers mois, et qui a été évoqué à de multiples reprises devant le Tribunal administratif de Grenoble, en raison d’une forte opposition. Le projet du Center Parcs de Roybon »doit faire l’objet d’un référendum », selon le président sortant de la Région Rhône-Alpes.
Jean-Jack Queyranne, -qui brigue un nouveau mandat-, a soumis cette idée lors de son passage sur France 3 Alpes. « J’ai toujours dit qu’il fallait suspendre les travaux le temps que la Justice se prononce et qu’il y ait une conformité par rapport aux lois sur l’environnement. S’il y a conformité, pour essayer de régler le sujet, il faut faire un référendum local pour que les uns et les autres se prononcent et qu’on ait la vérité sur ce sujet », a-t-il expliqué.
Extrait de l’émission « La Voix Est Libre » – 24/10/2015
Le dernier épisode en date autour de ce dossier remonte à la fin septembre, le groupe Pierre & Vacances venait alors de déposer une demande de sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Grenoble, qui avait annulé, en juillet, un arrêté préfectoral indispensable à la construction du Center Parcs de Roybon.
Le projet prévoit la construction de mille cottages, commerces et restaurants autour de l’ »Aquamundo », une bulle transparente maintenue à 29°c, avec piscine et jacuzzi. Le complexe devrait permettre la création de 468 emplois « équivalent temps plein ». Les travaux sont bloqués depuis décembre 2014 par des militants installés dans une maison forestière à proximité du chantier.
Le 26 octobre 2014, les provocations des forces de l’ordre à l’encontre des opposants au barrage de Sivens se soldèrent par la mort de Rémi Fraisse. Le rapport d’enquête de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) concluait quelques semaines plus tard qu’« en l’état des informations recueillies au cours de cette enquête, et au plan administratif [...], l’IGGN ne dispose pas d’éléments permettant de caractériser une faute professionnelle ». Mais l’enquête judiciaire déterminera-t-elle la responsabilité des décideurs d’avoir autorisé l’utilisation des grenades offensives pour maintenir l’ordre de cette obsessionnelle guerre économique qu’on nous demande fanatiquement de mener contre toute raison ? Car il s’agit bien pour ceux-là de l’ordre économique actuel qu’il faut maintenir.
Le 30 juillet 2010, Nicolas Sarkozy, lors de son discours haineux de Grenoble, en appelait à une plus grande fermeté envers les délinquants « d’origine étrangère » menaçant les honnêtes travailleurs français et légitimant le recours à des mesures législatives et des moyens matériels toujours plus importants et sécuritaires envers les immigrés. Mais il fallait être bien naïf pour ne pas comprendre qu’on visait ici à durcir la répression non seulement contre le mauvais immigré qui ne s’intègre pas, mais aussi pour « liquider l’héritage de mai 68 » et la contestation, de manière plus générale.
Le 21 octobre 2010, durant la manifestation contre la réforme des retraites, les forces de l’ordre encerclaient pendant plusieurs heures la place Bellecour à Lyon puis sélectionnaient au faciès les individus ayant le droit de quitter la place ou non. C’est sous le gouvernement Hollande que les pompiers grenoblois furent traités avec mépris durant le mois de décembre 2013 alors qu’ils s’opposaient à l’augmentation du temps de travail qui leur a été imposée. Durant ce mouvement, un pompier gréviste perdit un œil à cause d’un tir de flash-ball ; le tireur et ses responsables ne furent jamais inquiétés par la justice. Il faut aussi compter la grandiloquence des moyens employés pour déloger les occupants dénonçant les Grands Projets Inutiles et Imposés (GPII) : 1200 gendarmes et policiers, 2 hélicoptères pour évacuer la ZAD de Notre Dame des Landes le 16 octobre 2012 et 500 autres le 23 novembre 2012 ; 300 gendarmes pour évacuer une vingtaine de personnes à la ZAD de Sivens le 6 mars 2015 (selon le site Le Monde.frdu 6 mars 2015). Régulièrement la force est employée de manière musclée pour évacuer certains squats comme au 51 rue des Eaux-claires à Grenoble le 30 mai 2015 et quelquefois de manière illégale comme pour l’évacuation de « Garave », le 8 août 2015 à Fontaine, près de Grenoble.
Mais c’est surtout dans le silence médiatique que la police tue régulièrement, de préférence dans les quartiers populaires. C’est là que le racisme refoulé des policiers peut se lâcher en toute légitimité puisque le gouvernement et les médias de masse y ont fabriqué l’image type du « délinquant », comme ce fût le cas pour Amadou Koumé le 6 mars 2015, Mehdi Bouhouta le 3 septembre 2015 et bien d’autres auparavant. En quatre décennies, entre 500 et 1 000 personnes auraient ainsi succombé, directement ou indirectement, des suites d’une opération de police, selon le lien : http://www.bastamag.net/Bavures-policieres-mortelles.
Les dérives à cette idéologie sécuritaire ne se sont pas faites attendre non plus. Nos élus locaux, en n’hésitant pas à réduire les divers opposants aux GPII à des « Khmers verts », « djihadistes verts » ou « minorité agissantes », ont stimulé les plus aliénés au système à s’organiser en milices agissant de façon autonome sous le regard bienveillant des forces de l’ordre. Ce fut le cas dans le cadre de l’opposition au barrage de Sivens où durant une semaine des adhérents à la FNSEA firent le siège de la ZAD et s’en prirent physiquement aux opposants au projet. De même concernant l’opposition au Center Parcs dans les Chambarans où les opposants durent faire face à des agressions physiques, des jets de cocktail molotov incendiant une construction et des véhicules et un déluge d’insultes sur les réseaux sociaux incitant à la violence et au meurtre. Dans un contexte un peu différent, cette dérive incite aussi à exprimer ses idées fascisantes comme ce fut le cas récemment lors de l’expulsion par des riverains d’une famille Rrom qui avait trouvé refuge dans une maison inhabitée de la commune de Saint Martin d’Hères.
Parce que la mort de Rémi Fraisse ne doit pas tomber dans l’oubli, parce que les forces de l’ordre ont toujours été la main armée des gouvernants quels qu’ils soient, parce que nous refusons ce monde tel qu’il se construit, nous vous appelons à venir manifester le 24 octobre 2015 à 14 h au Jardin de Ville à Grenoble. Après la manifestation : projection du film « La résistance respire » sur la lutte contre le barrage de Sivens.
Collectif grenoblois de soutien à la ZAD des Chambarans
Message du Collectif jurassien d’opposants à Center Parcs lu à la Marche des possibles, à Grenoble, le 2 mai 2015
Bonjour à toutes et à tous,
Nul besoin d’un historique très long : dans le Jura à Poligny, comme au Rousset en Saône-et- Loire, Pierre & Vacances précise ses ambitions pour et sur nos territoires ― sur nos vies. Ici comme là-bas, le tourisme de masse tente d’étendre son territoire et ses logiques.
Voilà quelques mois, l’association le Pic Noir — qui regroupe des citoyens du secteur de Poligny — a commencé à demander des éclaircissements, puis exigé « du débat » autour de la possible création d’un futur Center Parcs. Si sa démarche affichait une certaine neutralité dans un premier temps ― ses demandes étant cantonnées à la possibilité d’être informée afin de se forger une opinion ―, elle a progressivement affirmé une opposition résolue à ce projet. Ainsi, un travail de collecte d’informations, de diffusion de contre-informations, d’organisation de réunions publiques a été mené par cette association.
Ce travail a sans doute permis de mettre une certaine pression sur le groupe Pierre & Vacances, qui ne souhaitait pas réitérer les erreurs stratégiques faites dans les Chambarans, et a sollicité la Commission nationale du débat public (CNDP) en 2014. Cette dernière a nommé une Commission particulière unique pour les deux sites du Rousset et de Poligny. Elle est donc en charge depuis le 23 avril d’organiser le « débat » jusqu’en juillet prochain. Sachant que Pierre & Vacances souhaite attaquer les travaux en 2017 pour ouvrir en 2019 ses deux nouveaux Center Parcs, on comprend mieux la nécessité pour eux d’en passer par l’illusion du débat pour en finir au plus vite, et passer enfin aux choses sérieuses…
Notre sentiment est que cette Commission est en réalité un instrument visant à la modification à la marge du projet dans le seul but de le rendre acceptable. Sa présidente Claude Brévan ne déclare-t-elle pas le 23 avril dernier (Le Progrès) que « l’objectif du débat est d’informer les gens et de leur permettre de réagir assez tôt aux éventuels problèmes, puis de faire des suggestions pour améliorer le projet » ?…
De notre côté, nous ne sommes pas là pour ça, et nous ne nous faisons aucune illusion sur la pertinence de ce débat « encadré », dont les manières, les sujets et le calendrier sont exclusivement aux mains d’une structure commanditée par Pierre & Vacances. Cette Commission définit le périmètre de la pensée et de la parole, les protocoles, en fait respecter « la charte » (cf. le site de la Commission : http://cp-poligny.debatpublic.fr). Elle veut en maîtriser le temps et les usages.
Nous souhaitons rappeler à toutes fins utiles que la possibilité du débat public n’a pas attendu ― et n’a pas à attendre ― un promoteur à qui l’État donne discrètement la main, pour avoir lieu. Ce cadre n’est pas le nôtre, et le périmètre du débat est pour le coup notoirement sous-dimensionné.
Selon nous, la lutte contre Center Parcs ne peut se dissocier d’une réflexion et d’une action plus larges sur les questions du travail, du chantage à l’emploi, de la croissance. Refuser Center Parcs, c’est aussi, collectivement, s’autoriser à interroger l’utilité ou la nocivité de ce travail, de son sens, de sa finalité. À Poligny, il ne s’agit pas tant de dénoncer le risque de mise en danger d’un espace protégé ― ou à protéger ―, que de soulever ces questions. Pierre & Vacances ne s’y est d’ailleurs pas trompé : la parcelle qu’il convoite se trouve hors zone Natura 2000, hors ZNIEFF (Zone naturelle d’intérêt écologique, floristique et faunistique), et ne laisse pas le moindre espoir de zone humide à brandir face aux engins de chantier. Mais quand bien même ce serait le cas, n’aurions-nous que cela à leur reprocher ?
Par ailleurs, cette parcelle de forêt est presque exclusivement composée de sapins plantés sur un sol acidifié par des décennies de monoculture obéissant à une gestion industrielle de la forêt. Autour du Fied, les tumulus et les murets de pierres sèches n’ont pas attendu Pierre & Vacances pour disparaître sous les assauts des pelles mécaniques et des subventions à une agriculture productiviste. Ce sont ces logiques déjà à l’œuvre que nous dénonçons aussi dans cette lutte. Center Parcs n’est pas seulement une menace, c’est la consolidation et l’intensification d’un monde marchandisé et artificialisé, dans lequel nous n’avons pas ― et ne voulons pas ― de place.
Fin avril, le représentant de Center Parcs expliquait que le choix de cette parcelle de conifères correspondait aussi au fait qu’il jugeait inenvisageable d’imposer à sa clientèle la présence d’arbres défeuillés durant plusieurs mois d’hiver, rappelant son souci de « l’habillage arbustif ». Nous voulons redire à Pierre & Vacances ― pour qui la nature est un habillage, un décor, un support commercial ―, que nous ne voulons pas habiter, fréquenter, travailler, façonner, vivre et subir un monde dans lequel l’eau coule à 29° toute l’année, et dans lequel les arbres ne perdent plus leurs feuilles pour raison de marketing appliqué aux loisirs. Ce monde est stérile, mort. Il n’a pour nous aucun attrait. Nous n’en voulons pas ; même contre la promesse d’y trouver trois cent emplois ― précaires de surcroît ―, ni même contre l’assurance d’y manger ou d’y écouler des produits locaux, bio, entre deux panneaux solaires.
C’est aussi la raison pour laquelle nous n’en appelons pas au développement durable face à Pierre & Vacances. Leur vocabulaire transpire le capital, ils sont le développement durable. Nous ne reconnaissons pas le périmètre vert de la tête de gondole du capitalisme comme pertinent pour tenter de le mettre en échec. Ce périmètre est défini pour nous par les gestionnaires et, à leur suite, par des élus zélés qui s’empressent de nous en vanter les mérites. À l’intérieur de celui-ci, nous ne respirons pas, nous suffoquons : le grillage ne convient pas à nos vies. Nous ne voulons plus nous ressourcer, mais comprendre, et dire pourquoi le travail nous y contraint.
Contrairement à ce que nous rabâchent les communicants de Center Parcs à Poligny, ce projet n’est pas celui de la population, mais le leur, et nous réfutons l’idée que nous soyons tous sur le même bateau, et l’idée selon laquelle nous pourrions ― ou devrions ― co- construire ce projet ensemble. Les salariés qui travaillent pour Center Parcs le savent, ils ne seront jamais ses « collaborateurs » ― comme on nous l’a martelé à longueur de discours à Poligny ― mais ses obligés, parfois ses esclaves. Nous savons d’ores et déjà ― n’en déplaise au président de la CNDP, qui n’imagine pas qu’on puisse avoir une idée toute faite avant la fin du «débat» ― qu’avec Center Parcs, on n’a pas seulement affaire avec des « développeurs » et des « exploitants », comme ils aiment à se qualifier, mais bien plutôt à des développants et des exploiteurs.
Certes, nous ne voulons pas bosser pour 320 euros par mois, mais nous voulons avant tout reprendre la main sur le sens que nous donnons à nos métiers, et à nos vies. Pour cela, nous sommes légitimes sans autre forme de procès (ou de commission).
À un univers clos, aseptisé, climatisé à 29°C, nous préférons le givre, les doigts gours dans les gants mouillés. Au confort de la bulle qui progresse à coup de bulldozers, nous opposons, parfois à tâtons, la possibilité d’une marche. Au travail obligatoire, nous préférons tenter l’autonomie. À l’exutoire, nous préférons la liberté. Center Parcs est l’émanation d’un tourisme doux ? Alors, qu’il gèle à Pierre fendre ! Nous n’avons chaud que de nous tenir ensemble, sur les ZAD … et ailleurs ― avec les gens d’ici … et d’ailleurs.
Depuis cinq mois, quelques hectares de la forêt de Chambaran, à 60 kilomètres de Grenoble, sont occupés par des militants opposés à un projet de Center Parcs. La présence de ces zadistes a mis le village de Roybon sous tension, coupé entre pro et anti-Center Parcs. Reportage.
Grande rue de Roybon, 1 300 habitants, un vendredi d’avril. Deux femmes discutent sous le soleil matinal. L’une est retraitée, l’autre est enseignante dans un lycée professionnel de Beaurepaire à 25 kilomètres de Roybon. Les deux ont accroché un petit panneau « Oui à Center Parcs », sur un carreau d’une fenêtre pour l’une et sur un bout de volet pour l’autre.
« Comme tout le monde ici », disent-elles.
Dans cette rue étroite du principal bourg des Chambaran, en Isère, on affiche son soutien à l’énorme projet immobilier et touristique porté par le groupe de loisirs Pierre et Vacances.
Ce plateau fortement boisé culmine à 700 mètres d’altitude entre le Vercors et la Drôme des collines. C’est là que devrait ce construire un nouveau village vacances Center Parcs.
« Et encore, disent-elles, avant il y avait beaucoup plus de choses affichées. Il y avait aussi des ballons. »
Mais le mauvais temps a eu raison de ces décorations remplacées un temps par les guirlandes de Noël.
« Et les zadistes sont venus en arracher », ajoute la retraitée.
Dans le bourg, on ne dit pas qu’on est contre le Center Parcs
Le Center Parcs : un investissement de 387 millions d’euros
Ce projet doit accueillir en 2017, sur 200 hectares de la forêt de Chambaran (à Roybon), un millier de cottages, des commerces et des restaurants autour de l’«Aquamundo», une bulle transparente maintenue à 29 degrés avec piscine.
Cela représente un investissement de 387 millions d’euros porté par la société Pierre et Vacances.
Ils sont « drogués », « alcoolisés », « ils siphonnent les réservoirs des véhicules », « ils sont sales ».
« Les femmes ne se lavent pas et leurs chiens mangent leurs crottes », finit la retraitée.
« Une collègue m’a dit qu’ils donnaient des Kinder aux enfants », croit savoir Edith, l’enseignante, qui trouve cela manifestement suspect. Et qu’on ne leur parle pas d’un éventuel dialogue ou rencontre avec eux : « On n’en veut pas ».
« Mon visage est connu, tient à préciser l’enseignante. Ils prendraient ça pour une provocation. Et j’ai déjà reçu des insultes sur Facebook ».
Les deux voisines ont participé aux deux manifestations de décembre contre les zadistes et pour soutenir le projet de Center Parcs, provisoirement à l’arrêt depuis une décision du tribunal administratif de Grenoble.
L’enseignante avance l’argumentaire pro-Center Parcs, qui tourne essentiellement autour des emplois qu’un tel projet touristique pourrait générer, alors que le « village se meurt », parlant des fermetures en décembre de la perception et du collège l’année dernière :
« Quand je me suis installée avec mon compagnon dans le village, il y a trois ans, on était le plus jeune couple. On avait 25 ans ».
A dix mètres, un homme discute avec le curé du village. « C’est un contre, lui, là-bas », glisse la retraitée.
Renseignements pris, cet habitant se définit d’abord comme « mitigé » avant de concéder qu’il est plutôt contre. Dans le bourg, on ne dit pas qu’on est contre le Center Parcs.
« Ici, l’immense majorité des Roybonnais sont « pour », affirme le curé. Ils voient un village qui s’étiole avec des magasins qui ferment et des gens qui déménagent. Le plus gros employeur reste l’EPHAD ».
« La communiste » qui donne à manger aux zadistes
Dans la rue principale, passe alors une voiture grise conduite par une vieille dame.
« C’est elle ! s’emporte la riveraine retraitée, elle donne à manger aux zadistes. Elle les a fait venir ».
Quelques heures plus tard, nous avons rencontré cette personne, Michelle Pistone, qui habite juste au dessus de la grande rue.
Les travaux suspendus par le tribunal de Grenoble
Le 23 décembre, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a suspendu l’arrêté du 3 octobre 2014 du préfet de l’Isère qui avait délivré une autorisation « loi sur l’eau » à Pierre et Vacances pour la construction d’un Center Parcs sur la commune de Roybon (en Isère).
Sur le fond, le juge des référés a surtout considéré que les mesures compensant la destruction de l’environnement propre à cette zone des Chambaran étaient insuffisantes :
« [le tribunal] a estimé qu’un doute existait quant à la suffisance des mesures prévues par l’arrêté pour compenser la destruction de zones humides qu’entraînera la réalisation du projet ».
Cette décision du juge des référés a stoppé les travaux qui avait déjà du mal à avancer du fait des zadistes.
Une quarantaine d’hectares a quand même été défrichée (environ la moitié de ce qui est prévu).
La décision sur le fond est attendue en juin prochain.
Dans le village, cette ancienne institutrice de 80 ans est connue comme « la communiste ». Mais cette étiquette ne lui convient guère. Elle trouve que ça fait trop « stalinien » alors qu’elle se sentirait plutôt « libertaire ». Elle était militante de l’École émancipéequand elle enseignait dans un village des environs de Roybon.
« C’est grâce aux militants des années 70/80 que la région n’est pas devenue un désert scolaire. Parents d’élèves, élus, enseignants, syndicalistes ouvriers ont empêché de nombreuses fermetures de classes. On avait même réussi à faire rouvrir une école : celle de Murinais qui existe toujours. »
Elle fait partie des rares Roybonnais à afficher publiquement son opposition au Center Parcs.
Elle est de toutes les réunions publiques et se fend notamment de nombreuses lettres aux élus du maire au président du département de l’Isère. Et, oui, elle conduit quelques fois trois kilomètres pour rendre visite aux zadistes en leur apportant de la nourriture.
« En faisant mes courses, j’ai dit au gérant du Petit Casino que, grâce aux zadistes, il améliorait son chiffre d’affaires ».
La réputation de la militante était faite. Depuis, elle a arrêté de monter de la nourriture constatant que d’autres leur apportaient déjà de la nourriture.
« Je dis toujours bonjour même si certains ont arrêté de me saluer. On sent de la hargne mais c’est surtout de l’ignorance. Les gens devraient monter voir les zadistes, qui pourraient leur offrir du muguet ».
Depuis l’installation des zadistes, elle regrette que le terrain soit laissé aux « pro ». Elle préfèrerait que les manifestations contre le Center Parcs se déroulent ici et non pas à Grenoble, comme la dernière en date, le 2 mai.
« Avec mon cousin, on ne se parle plus »
La route s’élève en direction du bois des Avenières squatté actuellement par les zadistes. Un petit kilomètre avant d’arriver, les panneaux et banderoles affichent d’autres orientations :
« Zadiste, continue le combat » ; « Non au Center Parcs »
Les anti-Center Parcs : contre la destruction de l’environnement
Le principal argument développé est celui de la préservation de la nature. Les « anti » défendent surtout une zone humide, berceau notamment d’une rivière, l’Herbasse, qui coule dans la Drôme voisine. Selon eux, le Center Parcs risque de mettre en péril la ressource en eau.
Ils s’appuient sur l’avis défavorable rendu par la commission d’enquête publique « loi sur l’eau » qui estime que 110 à 120 ha de zone humide (au lieu des 70 ha avancés par Pierre et Vacances) seront détruites ou impactés par le projet.
Si le Center Parcs voit le jour, cette petite route de campagne où l’on croise à peine une voiture dans la matinée sera empruntée par 4 000 à 5 000 véhicules les jours des chassés-croisés.
C’est ce que redoutent les riverains qui affiche leur opposition au projet de Pierre et Vacances. Ils forment les opposants historiques. Ils acceptent de nous parler si nous leur garantissons de ne pas citer leurs noms. Mais dans un village où tout le monde se connaît ou presque, l’anonymat reste très relatif. Ces « anti », membres fondateurs de l’association « Pour Chambaran Sans Center Parcs » (PCSCP), sont fatigués des tensions qui règnent dans le village.
« Quand nous descendons faire les courses, on ne nous répond plus quand nous disons bonjour ».
Pour leur retraite, le couple a retapé la ferme familiale. Lui ne se voyait pas habiter ailleurs après une vie active passée à l’aéroport de Grenoble, dans la plaine de Saint-Etienne-de-Saint-Geoirs, à 40 minutes de là. Il est amer :
« Avec mon cousin, qui est premier adjoint, on ne se parle plus. On nous accuse de vouloir faire mourir le village. C’est faux de dire que Roybon se meurt. La population ne baisse pas et le chômage est moins important ici qu’au niveau national. Des gens habitent ici, au calme, et vont travailler à une vingtaine de kilomètres à Saint-Marcellin ou la Côte-Saint-André ».
Sa femme ajoute, en boucle :
« Je n’aurais pas cru qu’on en arrive là. Ça va laisser des traces ».
Et la réconciliation ne se fera pas sur le dos des zadistes. Ce couple comprend leur action. Mais c’est chacun chez soi :
« Je sais qu’on nous accuse de les avoir fait venir. Ce qui est totalement faux. On ne les nourrit pas. On ne veut pas mettre de l’huile sur le feu. On ne veut pas être accusé de les aider ».
Contacté, le président de l’association PCSCT, Stéphane Péron, qui habite la commune voisine de Montrigaud (dans la Drôme) précise la position officielle :
« Notre ligne de conduite est de ne pas entrer sur le terrain, propriété de Pierre et Vacances. Nous, on va devant les tribunaux ».
Cette posture n’empêche pas l’association de faire des communiqués de presse qui sont, dans le contexte local, interprétés comme autant de signes de soutien aux zadistes.
Les « bannis » de Roybon
Pour rencontrer un opposant historique qui accepte de parler à visage découvert, il faut redescendre la route de la ZAD et passer le long du petit lac artificiel qui fait la joie des Roybonnais et des Hollandais, les beaux jours venus.
C’est au dessus de ce plan d’eau que Jean-Marie Brun s’est installé il y a vingt ans avec ses chevaux. Sous le nom « Cheval autrement », ce « psycho somato thérapeute » propose notamment des stages de développement personnel.
Et avec ses stagiaires, il avait l’habitude de se balader dans le bois des Avenières, là où doit s’ériger le Center Parcs.
Interrogé sur le sujet, Serge Perraud, maire de Roybon (Divers droite), affirme que c’est en raison « d’un manque d’entretien » que la mairie lui a retiré l’usage de ses terrains. La coïncidence reste troublante alors que Jean-Marie Brun occupait ces terrains depuis une dizaine d’années.
Avec le patron d’un des deux bars de Roybon, où il avait l’habitude de déjeuner avec ses stagiaires, ce n’est plus la franche camaraderie.
« Il y a quelques semaines, il m’a dit que je n’étais plus le bienvenu alors que jusque là je m’entendais bien avec lui ».
Jean-Marie Brun a dû se rabattre sur l’autre bar, au début de la grande rue, qui n’affiche pas, fait exceptionnel pour un commerçant de Roybon, un signe distinctif pro-Center Parcs. Une question de commerce :
« Je récupère tous les clients qui se font virer de l’autre bar », nous a confirmé la patronne qui n’en demeure pas moins favorable au projet touristique.
A 62 ans, Jean-Marie Brun a mis en vente sa ferme transformée en ranch. Très amer :
« La ZAD a permis deux choses bien : ça nous a fait connaître et on a pu entrer en contact avec le ministère de l’environnement qui ne nous prenait pas en considération. Mais, elle a eu des effets négatifs. Aujourd’hui, je suis devenu le bouc émissaire désigné, parce que je suis associé aux zadistes ».
Au Bon Roy, auberge pro-Center Parcs
Il faudrait être aveugle pour ne pas comprendre dans quel camp le patron du principal bar-restaurant de Roybon se situe. Il n’y a pas seulement une imposante banderole au dessus de l’entrée. Sur le comptoir, trône une boîte pour glisser un bulletin d’adhésion à l’association pro-Center Parcs « Vivre en Chambaran ».
Au mur, des affiches égrenant les principaux arguments favorables au projet. Les autocollants se baladent au milieu des bouteilles d’alcool et des verres.
Les pro-Center Parcs : la création d’emplois
En minimisant l’impact sur l’environnement, les « pros » expliquent que le Center Parcs concerne « moins d’un demi pourcent des Chambaran » et que le bois des Avenières impacté est « sans intérêt » sur le plan des espèces végétales ou animales. Ils mettent en avant l’impact sur l’emploi. Le projet doit créer 468 emplois « équivalents temps plein » (700 personnes employées) et générer d’importantes retombées fiscales pour les collectivités locales et notamment pour Roybon : 3,2 millions de taxe locale d’équipement et 1 million de taxe foncière par an.
Sylvain Merle, lyonnais d’origine, a acheté le bar-restaurant il y a une dizaine d’années. Fort en gueule, il lance quelques qualificatifs charmants sur les zadistes : « verrues », « traîne-la-rue » ou encore « mange-merde ».
Quant autres opposants « écolos », il ne les porte pas franchement plus dans son coeur. Il assume en avoir virés quelques uns, dont Jean-Marie Brun, le créateur du ranch « Cheval autrement » :
« Je connaissais ses idées. Mais quand j’ai vu Envoyé spécial, j’ai compris qu’il était en première ligne. Il m’a pris pour un con ».
Il voit un intérêt direct dans le Center Parcs et son chantier. Pendant les trois semaines de chantier, il a augmenté « de 50% » son chiffre d’affaires avec les ouvriers qui venaient déjeuner.
En fin de journée, à l’heure de l’apéro, une poignée de Roybonnais sirotent quelques bières. Il suffit de dire qu’on est journaliste pour lancer le sujet. Il va de soi qu’« Au Bon Roy », tout le monde est « pour ». Au coeur du discours, l’emploi, une fois de plus. Le patron, Sylvain Merle, développe :
« On nous dit que le Center Parcs ne proposera que des emplois mal payés. Et alors ? Aujourd’hui, il faut faire 50 ou 60 kilomètres pour faire un Smic. Avec le Center Parcs, ce sera à trois bornes ».
« Les Roybonnais sont des Républicains, fiers d’être français »
Employé de mairie, artisan ou militaire, ceux accoudés au comptoir sont en accord sur un seul point avec les anti-Center Parcs : « ça va laisser des traces ». Un employé de la mairie décrit la situation :
« Dans les familles, certains ne se parlent plus. Les chasseurs sont divisés également car le bois des Avenières est une très bonne chasse ».
L’employé de mairie poursuit :
« La tension est montée avec l’arrivée des zadistes. Jusque là, les gens pouvaient comprendre qu’on fasse des recours contre le projet. Mais occuper un site illégalement en empêchant les forestiers de travailler, les Roybonnais ne peuvent pas comprendre. On voyait ces marginaux à la télévision. Le lendemain, ils étaient chez nous ».
Quelques semaines après la mort de Rémi Fraisse à Sivens, l’installation d’une nouvelle ZAD a drainé des cohortes de journalistes de la France entière. Cette médiatisation a été décisive selon les partisans du Center Parcs.
Christian Luciani, le président de Vivre en Chambaran, l’association pro-Center Parcs, nous reçoit dans sa maison du bourg de Roybon :
« Quand les zadistes sont arrivés, tout le monde s’est levé comme un seul homme. Les Roybonnais sont des Républicains, fiers d’être français. Ils n’ont pas accepté qu’on viennent chez eux leur dicter ce qu’ils doivent faire en remettant en question l’Etat de droit ».
Cet architecte, arrivé à Roybon il y a quelques années, pointe une fois de plus le reportage d’Envoyé spécial qui a été « très mal vécu par la population » :
« Les habitants on eu l’impression d’être mal traité par les médias. Nous avons accéléré la mobilisation. Il fallait qu’on parle de nous ».
Le reportage, en donnant largement la parole aux opposants historiques montre surtout comment le précédent maire de Roybon a anticipé l’arrivée du Center Parcs en endettant fortement la commune.
« La gendarmerie tenait certains barrages et nous d’autres »
La ZAD a été installée le 30 novembre, après une manif des anti-Center Parcs. Début du mois de décembre, l’association Vivre en Chambaran et la mairie, main dans la main, faisaient distribuer des petits drapeaux « oui au Center Parcs » tandis que Pierre et Vacances déployait une communication de crise, essentiellement via un site Internet, pour diffuser ses arguments.
Pour montrer « l’adhésion populaire au projet », deux manifestations, les 7 et 14 décembre, ont été organisées, rassemblant à chaque fois entre 1 500 et 2 000 personnes. Pour faire le nombre, les employés des entreprises de BTP et du bois du coin ont été conviés, tout comme l’ensemble des élus du territoire, écharpes en bandoulière.
C’était au moment où les actions des zadistes étaient quotidiennes pour bloquer les travaux de déboisement (avant la décision du tribunal de Grenoble). Christian Luciani décrit ce qu’il qualifie de « violence des zadistes » :
« En décembre, ils ont tagué des cabanes de chantier qui servaient de base de vie aux ouvrier. Ils ont aussi cassé des voitures de vigiles et caillassé des engins de chantier. En mars, un engin forestier a été détruit, le jour où les zadistes faisaient une action ».
Une action des « pro » a marqué les esprits : l’organisation de barrages routiers le samedi 7 février alors que les zadistes organisaient un week-end militant et festif baptisé « Open barricades ».
Christian Luciani raconte :
« On a vécu ce week-end comme une provocation. On s’est dit qu’on allait empêcher leurs soutiens de monter en voiture. On était dans la légalité. Car on a fait des demandes pour bloquer les routes et la préfecture nous l’a accordée. La gendarmerie tenait certains barrages et nous d’autres ».
Cette action a été diversement appréciée. Christian Luciani affirme simplement que « tous les riverains pouvaient passer et que les zadistes ont simplement été embêtés. »
Sa presque voisine, Michelle Pistone, anti-Center Parcs historique, affirme que mêmes des « pro Center Parcs ont été choqués » :
« Des milices ont bloqué les routes. Des Roybonnais ne pouvaient plus entrer chez eux sans montrer un acte de propriété ! »
Interrogés sur le sujet, les zadistes dressent la liste des « violences subies ». L’opération de blocage des routes n’a pas été rééditée.
Chez les zadistes
Au sommet du plateau de la forêt de Chambaran, c’est le territoire des zadistes. En venant de Roybon, il faut passer devant une camionnette de gendarmes qui guettent à un kilomètre de l’entrée de la ZAD.
On arrive devant une ancienne maison forestière, la « Marquise », rebaptisée « MaquiZad », appartenant à l’ONF (Office national des forêts) et aujourd’hui squattée par les fameux zadistes.
En passant au milieu d’un amoncellement de palettes, de pneus et de banderoles annonçant la ZAD, on accède sans difficulté à cette bâtisse devenue la base arrière de la « ZAD de Roybon ». Le terrain occupé, propriété de Pierre et Vacances, est à un kilomètre de la maison forestière.
Ce jour-là, le soleil brille. Des enceintes posées sur le rebord de la fenêtre crachent des standards de la chanson française. Lessive, farniente, bricolage. Après la neige et les températures négatives, le printemps semble se dérouler tranquillement à la ZAD.
Une grande table en bois est dressée devant la maison. Nous pouvons discuter sans difficulté avec les occupants, à l’initiative de Nils, le « responsable média » de la ZAD. Une seule condition : ne pas prendre certains ou certaines en photo. Ils seraient une trentaine à squatter sur le site. Nous en croisons une dizaine.
La poignée de zadistes que nous rencontrons a parfaitement conscience de l’image détestable qu’ils ont auprès de la population de Roybon, surtout depuis le reportage de M6.
« Nous avons très peu relations avec les Roybonnais. C’est l’omerta. »
Nils dresse la liste des « violences subies » essentiellement lors du week-end « Open barricades » des 6 et 7 février derniers :
« Le jeudi, ils ont incendié la cabane de l’entrée avec un cocktail molotov. Le samedi, ils ont bloqué toutes les routes pour accéder à la ZAD. Les gens ont dû laisser leur voiture et monter à pied. Deux véhicules ont été incendiés, un 4×4 a foncé sur un copain, un autre s’est fait taper ».
Ce samedi 7 février, Rémy, un agriculteur de 40 ans de la commune de Dionay (jouxtant Roybon) roulait avec une amie en direction de la ZAD. Bloqué à un barrage tenu par les « pro », il a été reconnu par un voisin comme étant un des principaux opposants. Lui se qui se présente comme « zadiste » fait partie des trois « anti » suivis dans le sujet d’Envoyé spécial.
« C’est une personne que je connaissais qui a le plus crié. Nos enfants ont fréquenté la même école. J’ai fermé ma voiture et j’ai fait marche arrière. Le soir même, cette personne s’en est vantée sur Facebook. Je suis allé porter plainte ».
Dans ce contexte villageois, les zadistes ont jeté leur dévolu sur Saint-Marcellin, la petite ville du coin, à une vingtaine de kilomètres d’ici, dans la plaine de l’Isère. « Là où le dialogue est possible ».
Ils descendent de leur colline les jours de marché pour tenter de mettre en place des actions. Luna, la vingtaine, venue de la ZAD de Sivens, fait sa lessive à la main. Elle raconte :
« On a tendu un grand fil avec des feuilles pour que les passants notent ce que leur inspirait la question « faut-il travailler pour vivre ? ». Les gendarmes sont rapidement venus pour nous dire que nous n’avions aucune autorisation. Des habitants ont pris notre défense ».
Nils, 32 ans, d’origine belge, veut sortir de cette « urgence » dans laquelle sont les zadistes, tournés essentiellement vers la contestation du Center Parcs.
Il veut développer une idée mixant écologie, agriculture et éducation populaire. Le projet doit s’implanter dans les Chambaran, comme une alternative au gigantisme touristique. Pour le moment, il termine des études d’éducateur spécialisé en vivant en colocation à Saint-Antoine-l’Abbaye.
Saint-Antoine-l’Abbaye, terre de hippies
Saint-Antoine-l’Abbaye fait partie des plus beaux village de France. Le panneau l’indique à l’entrée du bourg. Niché contre l’abbaye du XIIIe siècle, à flanc de colline, il ne fait qu’un avec elle. A telle point qu’il en a pris le nom.
Dans le coin, la commune de Saint-Antoine est connu pour une autre raison. Au milieu des années 80, la communauté de l’Arche s’est installée dans une partie de l’abbaye, aujourd’hui entourée également de magasins de souvenirs ou de restaurants pour touristes.
Cette communauté a été fondée par Lanza del Vasto, connu en France pour avoir participé à la lutte du Larzac. Celui-ci se réclamait autant de Jésus que de Gandhi.
Une cinquantaine de personnes vivent dans ce grand bâtiment, d’autres effectuent des stages (payants) sur la « communication non-violente ». A l’image de Nils, le zadiste, qui y a passé un an.
Ils ne perçoivent pas de revenu mais sont nourris, blanchis en plus d’être logés. Fort logiquement, plusieurs membres anciens ou actuels de l’Arche sont parmi les opposants historiques au Center Parcs. Parmi eux, ils sont quelques uns à avoir participé aux actions de « désobéissance civile ».
Daphné Vialan et Tchandra Cochet vivent aujourd’hui dans la communauté.
Daphné, 29 ans, raconte ce qu’a été sa vie pendant les trois premières semaines de décembre :
« On se mettait dans les zones de sécurité quand ils bûcheronnaient ou devant les engins. On a également arraché les piquets qui délimitaient ce qu’il fallait couper ou pas. Nous avons réussi à bloquer la déforestation ».
La moitié de la zone a quand même été défrichée. Aujourd’hui, les deux ne regrettent pas leur action. Mais ils sont inquiets de la tournure des événements. Daphné le dit :
« Aujourd’hui, j’ai envie de mettre mon énergie à pacifier les relations dans le territoire. On n’arrive pas à parler. J’ai été à une manif des « pro », je ne me suis jamais autant fait insulter. Au bar, c’est la même chose, le ton monte très vite ».
Tchandra, 27 ans, a grandi à l’Arche. Avec deux autres membres de la communauté, il a rencontré la maire du village pour faire part de son inquiétude :
« Je me sens concerné par le fait de faire descendre la tension. On veut réfléchir à la manière de vivre ensemble. La maire du village est garante de cela ».
Pour le moment, la seule chose qu’a faite la maire de Saint-Antoine en direction des « anti » est de ne pas avoir accroché une nouvelle banderole « Bienvenue au Center Parcs » que toutes les communes du coin ont suspendue.
Comme à Dionay (voir la photo ci-dessous).
A peine mise en place, la banderole avait en effet été décrochée pendant la nuit. On n’est pas à Roybon mais bien à Saint-Antoine.
La surenchère des politiques
Traits tirés, paroles hésitantes et coups de sang inattendus, le maire de Roybon, nous reçoit, en journaliste de passage. Serge Perraud, semble épuisé.
Les mots sont pleins de reproche contre les « médias » :
« Tous les journalistes sont venus. Même le Canard enchaîné. »
Il nous tend l’article qui relate la rumeur du coin : « les zadistes sont payés 90 euros par jour ». Dans le coup, il y aurait la Frapna (une association écologiste), les Verts et même le Front de gauche, selon le maire. Serge Perraud persiste :
« Les zadistes sont achetés. J’ai de bonnes informations. »
On n’en saura pas davantage sur ce complot. Le maire divers droite de Roybon est coutumier des déclarations fracassantes. Élu en 2014, il n’est pas homme à calmer les esprits. Pour le grand malheur des opposants qui auraient souhaité qu’il « prenne de la hauteur » puisqu’il est arrivé alors que le projet était déjà sur les rails et le permis de construire déposé.
Serge Perraud reconnaît toutefois « une mauvaise communication vis-à-vis des riverains opposés au projet » :
« On n’a pas anticipé le problème quasi personnel de quelques Roybonnais ».
Le maire nous dit qu’il n’a rien contre les opposants mais dans la phrase suivante les accuse d’être pour une grande part des « bobos écolos des villages des alentours ». Quant aux zadistes, ce sont des « khmers verts ».
Serge Perraud est à l’unisson des principaux politiques isérois (à l’exception des écolos), de droite comme de gauche, qui soutiennent mordicus le Center Parcs. Le maire de Roybon s’appuie sur la récente élection du député UMP Jean-Pierre Barbier comme conseiller départemental du canton pour affirmer que « 90% des Roybonnais sont favorables au projet ».
Malgré cette majorité soviétique en faveur du projet, Serge Perraud éprouve quand même le besoin de panser les plaies. Il tient une solution pour « rabibocher » tout le village :
« Le Center Parcs va permettre d’apaiser les tensions. Je vais pouvoir semer et faire s’aimer tout le village ».
Et si le Center Parcs n’est pas construit ? « Il se fera », persiste l’optimiste maire de Roybon :
« Pierre et Vacances va trouver toutes les solutions techniques nécessaires ».
Ce projet, du même promoteur avait quelques ressemblances avec le projet de Roybon. Des élus et commerçants alléchés transformés en propagandistes, des promesses d’emplois, un flirt avec l’illégalité avec le loi protégeant le littoral, une opposition avec des recours en justice, une grande manifestation des pour, des menaces envers un des opposants … Et finalement, ce sont les investisseurs potentiels qui ne viennent pas ! En effet, comme pour le Center Parcs de Roybon, Pierre et Vacances ne comptait pas débourser d’argent pour ce projet, mais le faire dépenser par d’autres, surtout de petits investisseurs alléchés par l’argent facile à gagner, après des campagnes de promotion sophistiquées. Et si celui de Roybon s’effondrait pour la même raison ?
Les élus et la préfecture qui voulaient laisser ce carnassier déboiser se sont-ils assurés que Center Parcs était vraiment capable de mener ce projet, qu’il avait réussi à pré-vendre ses cottages ?
Un autre angle d’attaque peut-être … Pas notre préféré, mais potentiellement redoutable.
. Saint-Cast-le-Guildo, Pierre et Vacances : le projet de résidence définitivement abandonné
19 décembre 2014 à 21h12 (Document DR) Après avoir été reporté une première fois, le projet de résidence de tourisme Pierre et Vacances, à deux pas de la grande plage, à Saint-Cast-le-Guildo, est finalement abandonné « faute d’une commercialisation suffisante » indique-t-on au siège parisien du groupe. « On était bien loin en effet d’avoir vendu 60 % de nos lots ce qui est le minimum pour commencer les travaux ! ». Un projet de 27 millions d’euros Ce projet de résidence de tourisme haut de gamme était le premier du groupe Pierre et Vacances sur la côte d’Émeraude et le deuxième dans le département après la résidence de Perros-Guirec (22). D’un montant total de 27 millions d’euros, le projet castin était constitué de deux bâtiments de deux étages (soit 66 appartements) et de 24 maisons de deux à quatre pièces accessibles tout au long de l’année, situés à 150 m de la mer, à proximité immédiate de la piscine municipale, sur un terrain de près de 12.000 m². Les travaux auraient dû commencer au cours du trimestre 2013 pour une livraison l’été dernier. Avec ce projet, il était prévu la création de plusieurs dizaines d’emplois à l’année sur le site. La mairie réfléchirait à un projet de substitution.
Pour faire grossir sa bulle, Center Parcs drague les pouvoirs publics
(Crédit photo : Wikimedia)
Enquête – Ce week-end, de nouvelles manifestations ont eu lieu à Roybon, dans l’Isère. Mais l’appétit du groupe Pierre et Vacances, derrière le projet, ne faiblit pas. Il prévoit même de « mailler tout le territoire ». Comment ? Explications.
Sur la place du village de Roybon, une banderole « Center Parcs, un avenir pour notre territoire » répond aux graffiti« Non au Center Parcs » qui longent les départementales iséroises. Chaque dimanche, des milliers d’habitants favorables au projet manifestent contre l’installation d’une ZAD (zone à défendre) par les opposants. Depuis que les tractopelles ont fait leur entrée, le 20 octobre dernier, dans la forêt des Chambarans, la paisible commune de 1 300 âmes est tiraillée.
Sous les projecteurs à cause de sa résonance avec Sivens, le projet de Roybon n’est pas une exception. Depuis le rachat du concept néerlandais de « tourisme nature » par Pierre et Vacances en 2001, les Center Parcs poussent comme des champignons sur le territoire français. De la Moselle à l’Eure, en passant par la Somme, l’Aisne et le Loire-et-Cher, cinq domaines accueillent déjà près d’un million de visiteurs chacun par an. D’ici à 2018, leur nombre devrait doubler. « Le principe de Center Parcs, c’est le tourisme de proximité. Nous ciblons les personnes qui vivent dans un rayon de 200 kilomètres, explique Jean-Michel Klotz, directeur général adjoint du groupe Pierre et Vacances.On en construit tous les deux ans jusqu’à ce que le territoire soit correctement maillé. » Prochaine ouverture : le Center Parcs des Trois-Moutiers, dans la Vienne où les cottages sont déjà sur pied. Puis viendront ceux de Saône et Loire et du Jura, où les enquêtes publiques sont sur le point d’être lancées. Si tout se passe selon les plans de l’entrepreneur, dans quatre ans, dix minivilles d’une capacité d’accueil de 2 000 à 5 600 vacanciers, seront installées sur un total de 2 085 hectares de forêts. Center Parcs occupera alors la superficie de la ville de Chambéry.
Gourmande en terre, la branche « écotourisme » de Pierre et Vacances l’est aussi en argent public.« Le groupe est un champion des montages financiers », souligne Philippe Debard, chargé de mission à l’Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) de Lorraine, auteur d’une étude sur l’implantation du Center Parcs du Domaine des Trois forêts en Moselle. « Cela peut paraître surprenant, mais ici, le Groupe n’a déboursé que 25% du coût total du projet. » Sa stratégie, un brin alambiquée, est bien huilée. Explications.
Etape 1 : chercher un territoire déshérité
Loudun, dans la Vienne ; Roybon, en Isère ; Poligny, dans le Jura… Qu’ont en commun les sites sur lesquels le groupe Pierre et Vacances décide de s’implanter ? « Leur environnement naturel et la proximité de la clientèle, explique Jean-Michel Klotz, chargé du développement au sein de Pierre et Vacances Center Parcs. On regarde la zone de chalandise, les axes d’accès ferroviaires et autoroutiers », énumère-t-il encore. En resserrant la focale, un autre point commun émerge : le déclin économique qui frappe ces bassins de vie. Dans le cas isérois, « on parle d’une zone extrêmement déshéritée, ni touristique comme dans les stations de montagne, ni industrielle comme à Grenoble, explique Christian Pichoud, vice-président du conseil général de l’Isère chargé de l’économie touristique et de la montagne. On est donc très heureux que le Center Parcs vienne rééquilibrer les choses. » Dans la Vienne, le bassin d’emploi concerné « vit surtout de la production de melon », explique Joël Pageot, responsable du Pôle emploi de Loudun. Dans le Jura, l’affinage de comté reste le secteur qui offre le plus de débouchés. En Moselle, le territoire périclite depuis que l’usine de chaussures Bata est repartie en République tchèque. Quant au village de Roybon lui-même, qui par le passé vivait de l’industrie textile, le pronostic vital est engagé. « La moitié de la population a plus de 50 ans, le nombre d’habitants a chuté de 1 500 à 1 300 ces dix dernières années, note le maire, Serge Perraud. La Poste et la gendarmerie menacent de fermer, l’école est sur le point de perdre une classe, les banques projettent de retirer le dernier distributeur. L’EPHAD(Etablissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ndlr) est devenu le seul employeur du village : c’est l’exode. »
Les chiffres du ministère de l’Economie assombrissent encore le tableau : entre 2000 et 2012, la dette de la commune a explosé, passant de 599 à à 5 200 euros par habitant. Dans ces circonstances, les 900 000 euros de taxe de séjour annuelle que pourrait rapporter le complexe touristique sont plus que bienvenues. « Quand vous dites aux gens qui ont soif : “on va vous donner de l’eau”, ils ne s’interrogent pas sur la couleur de l’eau », lâche Myriam Laïdouni-Denis, porte-parole du groupe Europe Ecologie - Les Verts (EELV) en Isère.
Etape 2 : promettre des emplois…
« Ce type de projet crée des emplois non délocalisables, ça ne se refuse pas », confirme Denis Brunellière, conseiller pour les équipements touristiques au conseil général de la Vienne. Dans le département, les 600 postes à pourvoir ne sont pas passés inaperçus. « Avant même l’ouverture des recrutements, on avait reçu 2 500 candidatures spontanées », souligne Loïc Pageot,responsable Pôle emploi chargé du recrutement pour Center Parcs. Ce besoin criant d’activité était le même en 2010, lors de l’implantation du Center Parcs de Moselle. Sur les 600 salariés embauchés, 59% étaient auparavant au chômage et 11% bénéficiaient du revenu de solidarité active (RSA), selon l’Insee. Dans la Vienne, comme en Moselle, Center Parcs deviendra finalement le premier employeur du bassin d’activité.
« De l’emploi oui, mais quel emploi ? », s’interroge Myriam Laïdouni-Denis. A l’Insee, Philippe Debard confirme ses craintes :« Center Parcs, ce sont des petits salaires et des petits horaires ». Parmi les salariés du Center Parcs de Moselle, « 60% touchent le smic horaire, dont près de la moitié seulement 319 euros par mois, du fait d’un contrat de travail hebdomadaire de neuf heures, en tant qu’agent technique de nettoyage », lit-on dans son étude. Ainsi, les 697 emplois promis par Center Parcs en Isère tombent à 468 une fois convertis en équivalents temps plein. « Ce sont des postes en pointillés, qui impliquent beaucoup de trajets », souligne Myriam Laïdouni-Denis. « Il y a des gens à qui cette organisation convient très bien, rétorque Christian Pichoud, défenseur du projet au sein du conseil général de l’Isère. Et contrairement aux stations de ski, ce sont des emplois à l’année, il n’y a pas de lits froids. » Son dernier argument : la taille du groupe, qui « implique la présence de représentants du personnel et constitue une garantie sur les conditions de travail ». Un optimisme qui résiste mal à l’examen des Center Parcs existants. En Moselle, l’Insee a relevé un turnover de 30% chez les employés, tandis que, ces dernières années, la vie du Center Parcs de l’Aisne a été émaillée par des conflit sociaux, les salariés dénonçant en 2012 « de graves problèmes de salaires et de conditions de travail », selon les mots de la CGT. Ce bilan sévère mérite tout de même quelques nuances. Les salariés de Center Parcs bénéficient d’un treizième mois et d’embauches pérennes. « A Roybon, 80% seront en CDI », souligne Jean-Michel Klotz, de Pierre et Vacances.
… et des retombées économiques
« Au-delà des emplois directs créés sur le chantier, puis sur le site, l’implantation d’un Center Parcs entraîne, pour nos territoires ruraux, de fortes retombées économiques », poursuit Denis Brunellière, au conseil général de la Vienne. « Les offices du tourisme et les commerçants se réjouissent de voir les vacanciers arriver par milliers », note Joël Pageot, à Pôle emploi. Seul bémol, Pierre et Vacances promet des séjours passés à buller plutôt qu’à vadrouiller. « Le système incite à vivre en vase clos », résume Philippe Debard, de l’Insee. Une étude réalisée par le groupe en 2012 auprès des vacanciers du domaine de Laon, dans l’Aisne, confirme : 76% d’entre eux n’envisagent pas d’escapades hors du site. « On observe clairement une tendance chez les consommateurs à préférer l’expérience simulée, vécue dans un contexte de plus en plus spectaculaire et extravagant, à la réalité », note Antonnella Caru, chercheuse en marketing dans un article paru dans La revue française de gestion. Une analyse contredite par Center Parcs. « Comme les séjours s’allongent, les gens passent plus facilement une journée à l’extérieur », assure Jean-Marie Klotz.« Même si les sorties ne concernent que 10% des visiteurs, 10% sur 300 000, c’est toujours ça de pris, rétorque le maire de Roybon. Ça pourra aider le jeune boucher qui vient de s’installer à tenir sur la durée. » Le commerçant ne pourra miser que sur ces quelques vacanciers échappés. Pour nourrir, sur place, ses milliers de résidents, Pierre et Vacances fait appel à Eléor, l’un des leaders mondiaux de la restauration collective.
Malgré ces occasions manquées, l’impact sur le territoire n’est pas nul. En Lorraine, l’Insee dénombre « une trentaine d’emplois générés par l’activité du domaine, et plus de 90 emplois par la consommation de ses salariés ». Dans le Jura, certains regardent ces promesses de dynamisme d’un œil inquiet : « Si les gens viennent s’installer ici, c’est pour être tranquilles, estime Véronique Guislain, présidente du collectif de vigilance citoyenne Le pic noir. Une ville qui se crée du jour au lendemain et 2 000 personnes qui arrivent et repartent en voiture chaque semaine, c’est un sacré bouleversement dans un milieu rural paisible. Parce que, ici, 2 000 habitants, c’est une ville », précise-t-elle dans un rire franc.
Etape 3 : se faire désirer
Tandis que ses projets se concrétisent dans l’est, Pierre et Vacances prospecte dans le Lot-et-Garonne. « Pour faire en sorte que les Toulousains et les Bordelais puissent profiter du concept », explique Jean-Marie Klotz. Entre les communes des Landes, de Gascogne et celles du Val-d’Albert, semaine après semaine, la presse locale relaie les appels du pied des élus et les hésitations du promoteur. La Saône-et Loire et le Jura ont connu cette phase de suspens. « Que le meilleur gagne », lançait en 2012 Rémi Chaintron, président du conseil général de Saône-et-Loire, à l’époque convaincu que le groupe trancherait entre les deux projets. Finalement, les deux ont été retenus. A la région Rhône-Alpes, on parle même, sous couvert d’anonymat, de « chantage à l’implantation et à la création d’emplois », avant de nuancer : « c’est un cas classique de mise en concurrence territoriale : si le Center Parcs ne trouve pas son compte ici, il ira s’implanter ailleurs ».
Etape 4 : faire financer les infrastructure par les partenariats public-privé
Pour décrocher la timbale, les élus sont donc prêts à débourser. D’un territoire à l’autre, leur soutien prend des formes variées. Dans la Vienne, les collectivités se sont laissé tenter par le partenariat public-privé. « Le complexe touristique passe par une Société d’économie mixte (SEM), qui réunit l’ensemble des collectivités », explique Denis Brunellière. Dans un premier temps, chacun verse son obole : 19,3 millions pour le département, 13 pour la région Poitou-Charentes et 1 million pour la communauté de communes. A cela s’ajoutent 15 millions de subventions versées directement par l’Etat. Une fois cette somme rassemblée, les collectivités peuvent lever des fonds auprès d’investisseurs publics ou privés, comme le Crédit agricole ou la Caisse des dépôts et consignations. Finalement, les 138 millions d’euros de coût d’infrastructures seront pris en charge par la SEM, dans laquelle Pierre et Vacances n’a pas mis un sou.
En Isère, le montage financier diffère. Le département se porte directement acquéreur, pour 7 millions d’euros, des parties communes du futur complexe. De son côté, la région Rhône-Alpes a décidé de verser, en 2009, une subvention du même montant, au titre du soutien à l’emploi et au développement durable. « Dans le cas où le projet se poursuit, c’est grâce à cet investissement que les cottages pourront être certifiés HQE, haute qualité environnementale » explique-t-on au sein du conseil régional. De son côté, le syndicat des eaux investit gros pour construire une nouvelle station d’épuration – « dimensionnée selon les besoins de Center Parcs », selon Christian Pichoud – et pour rénover le réseau d’eau existant. « On en avait bien besoin, on avait 70% de déperdition », se justifie Serge Perraud, le maire de Roybon. A l’image des autres collectivités, la commune se plie en quatre pour accueillir Center Parcs. Pour les besoins du projet, le plan local d’urbanisme a été révisé et le terrain sera vendu 30 centimes le mètre carré, contre 18 euros pour les particuliers. « Ce terrain n’aurait de toute façon rien rapporté, se justifie Serge Perraud. Là, on gagne 600 000 euros, ce n’est pas rien. Et on considère que ce prix attractif est un investissement. » De son côté, Center Parcs revendra ses cottages plus de 3 000 euros le mètre carré.
Etape 5 : faire financer les cottages à grand renfort de niches fiscales
On touche alors la deuxième astuce du groupe. Center Parcs ne finance pas lui-même ses résidences hybrides, à mi-chemin entre le bungalow et le chalet. « On vend des hébergements à des investisseurs privés, institutionnels ou particuliers », explique Jean-Marie Klotz. Cette trouvaille née dans les années 1970 et baptisée « nouvelle propriété » est l’idée phare de Gérard Brémond, l’inoxydable pédégé de Pierre et Vacances. Un système qui a, lui aussi, largement bénéficié de la générosité des pouvoirs publics. Le principe ? L’acquéreur du cottage signe un bail pour neuf ans pendant lesquels Pierre et Vacances gère le bien et lui reverse un loyer. Pendant toute cette période, le propriétaire bénéfice d’attractives réductions d’impôts, la niche dite « Censi-Bouvard ». Mis en avant sur le site du groupe, ce dispositif permet au propriétaire de se voir exonérer jusqu’à 3 666 euros d’impôts par an pendant neuf ans tout en récupérant la TVA de son investissement.« Pour les EPHAD, ces déductions d’impôts ont une justification sociale », estime Jean-Marie Chosson, élu EELV à la région Rhône-Alpes. « Mais les plus gros bénéficiaires sont les mastodontes du tourisme. » Fortement contesté par quelques députés, le dispositif devait arriver à échéance en 2012 et disparaître alors de sa belle mort.
C’était sans compter l’influence de Gérard Brémond. Le 30 octobre 2012, l’homme d’affaires était reçu dans le bureau de Jérôme Cahuzac (voir l’agenda de ce dernier ). Le 14 novembre, celui qui était alors ministre délégué au Budget présente, devant l’Assemblée, un amendement prolongeant le dispositif Censi-Bouvard. Le texte est adopté dans la foulée. En matière de lobbying, le pédégé de Pierre et Vacances n’en serait pas à son coup d’essai. Selon le journal Les Echos qui, en 2007, dressait son portrait, certains textes sont surnommés « les amendements Brémond » dans les couloirs de l’Assemblée.
Pourtant, les vents jusqu’ici favorables à Pierre et vacances pourraient tourner. En 2012, le montant d’abattement fiscal du dispositif Censi-Bouvard est passé de 25% à 11% de la valeur du bien. « La dynamique fiscale est moins forte, reconnaît Jean-Michel Klotz, le modèle va évoluer. » Dans les Center Parcs en projet, comme ceux de la Vienne et de l’Isère, les investisseurs institutionnels, non concernés par la niche fiscale, achètent plus de cottages que les particuliers. Parmi eux, des mutuelles, des banques et la Caisse des dépôts et des consignations. « C’est encore pire que des niches fiscales, c’est un établissement public qui verse directement de l’argent à Center Parcs,s’emporte Stéphane Peron, ancien conseiller fiscal qui a pris la tête de l’opposition au Center Parcs de Roybon. La CDC est censée utiliser l’épargne des Français, notamment le livret A, pour financer des projets d’intérêt général, comme le logement social. Là, elle sert clairement un intérêt privé. »
Niches fiscales, investissements institutionnels, subventions et participations directes des collectivités, agacent profondément Jean-Marie Chosson. « Avec tout cet argent, on pourrait soutenir l’artisanat, les Scop, renforcer des circuits courts, développer un écotourisme mieux réparti sur le territoire et mettre en avant les atouts de la région », souligne l’élu. Sur cette dernière mission, Pierre et Vacances répond présent. « Les tenants du projet disent qu’il est représentatif de l’identité jurassienne, souligne Véronique Guislain, à Poligny. Avec une bulle tropicale à 29°C ? Je reste perplexe… »
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Source: http://www.terraeco.net/Pour-faire-grossir-sa-bulle-Center,57736.html
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Center Parcs de Roybon : le côté obscur de la force.
Le bois des Avenières, qui surplombe le petit village de Roybon, au sein de la vaste forêt de Chambaran, n’est pas « un trou de verdure ». Il est situé au sommet d’un bassin versant et, pour continuer à mal parodier Rimbaud, il y chante mille rivières. Selon des études moins poétiques, le site recouvre partiellement un aquifère de plusieurs centaines de km2 , connu sous le nom de « molasse du Miocène », identifié par le Schéma Directeur d’Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) Rhône-Méditerranée comme à forte valeur patrimoniale.
Le bois des Avenières comporte une vaste zone humide, elle aussi à forte valeur patrimoniale, et abrite au moins 37 espèces dites « protégées », comme l’emblématique « écrevisse à pied blanc ». Certains y ont même aperçu des cigognes noires, pratiquement disparues, et même, mais n’en dites rien, des lutins, des elfes et des nymphes…
Le bois des Avenières, auquel on accède par une petite route ou par des chemins bucoliques, c’était encore l’un de ces derniers endroits où trouver la paix, parmi les chants d’oiseaux printaniers ou les bourdonnements de l’été. Avant que ne s’y abattent les rigueurs hivernales, l’automne y fournissait champignons et châtaignes à profusion. Puis la forêt s’endormait, paisible, dans son manteau de neige, de vent et de frimas.
Oui, le bois des Avenières était magique. On s’y promenait en liberté au milieu de mille légendes, dans le frisson du feuillage et ce vibrato mystérieux que Giono appela « Chant du Monde ».
Mais un jour, quelques messieurs sûrs d’eux: patron de Pierre et Vacances, élus locaux convaincus de leur importance, président de conseil général et futur secrétaire d’Etat, bref, quelques happy few accompagnés d’autochtones naïfs, décidèrent que tout cela, cette richesse gratuite à profusion, ne valait rien, ne rapportait rien et qu’il y fallait implanter… le plus grand Center Parcs d’Europe. Pensez vous, mesdames et messieurs : mille « cottages » avec de beaux parkings en goudron, de belles allées du même « métal », pour circuler sur la glèbe fangeuse, à vélo s’il vous plaît, des commerces, une clôture de fil de fer de deux mètres pour empêcher bipèdes et quadrupèdes extérieurs de troubler la « quiétude » des lieux. Pour agrémenter le tout, on allait bâtir une espèce de bulle tropicale avec des rivières en plastique bleu, un lagon, des palmiers en toc et autres bidules exotiques. Le tout chauffé à 29°, avec vidange du bouillon tous les six mois. !!
Pour ce mirifique projet, il suffisait de sacrifier la bagatelle de 110 à 120 hectares de zones humides, (beaucoup plus qu’à Sivens), d’envoyer au diable les écrevisses et autres batraciens, de priver les populations de la jouissance d’un vague bois, dont elles n’avaient que faire, puisqu’elles trouveraient toujours ailleurs assez de champignons pour parfumer leurs omelettes. Pour les « emplois », pas de problème : entre les subventions, la niche fiscale renouvelée, « les yeux dans les yeux », par monsieur Cahuzac, entre la vente du terrain au promoteur, pour 0,30 euros le m2, les nouvelles infrastructures nécessaires, chaque embauche ne coûterait au contribuable que… 240 000 €. Trois fois rien dans le contexte florissant de la conjoncture ! Et puis, que ne ferait-on pas pour renflouer les caisses de Pierre et Vacances, société à l’origine des Center Parcs, dont les pertes abyssales relèvent, désormais, de la grande cause nationale ?!
N’en jetez plus ?! Si, si: pour expédier les eaux usées des 5500 touristes attendus, eaux préalablement pompées dans une nappe phréatique menacée, on allait construire une conduite de 27 kilomètres, avec de nombreux points de relevage, pour arriver à une station d’épuration surdimensionnée à cet effet, sise non loin de l’Isère…
Tout à leur enthousiasme, le promoteur et les élus se rengorgèrent : ils allaient créer au moins 700 emplois, faire refleurir le fric et le béton en une région désertifiée. Le bonheur et la prospérité sur la terre ingrate des Chambaran, quoi…
Mais voilà : un beau jour, une bande d’irréductibles énergumènes s’avisa que la potion n’était pas à son goût, et même, qu’elle contenait, en y réfléchissant bien, plus de poudre de perlimpinpin qu’autre chose, à commencer par les emplois, le plus souvent à temps partiel, et payés une misère. Ils procédèrent à la création d’une association contre l’implantation du Center Parcs, exprimèrent courtoisement, démocratiquement mais fermement, leur opposition. Puis ils déposèrent des recours, qu’ils perdirent naturellement, au nom d’un « intérêt général » dont nul ne sait exactement à quoi il peut bien correspondre, sinon à justifier le pires dérives de la technostructure. Aujourd’hui, il s’entendent hargneusement traiter d’ « anarchistes violents » par l’ineffable député UMP du coin, vilipendés par monsieur le maire de Roybon et l’impayable président du Conseil Général de l’Isère.
Au début, les irréductibles en question se sentirent bien seuls. D’autant plus seuls que messieurs les élus et leurs bons apôtres psalmodiaient d’une voix monocorde, à la façon des lamas tibétains, mais sans les valeurs spirituelles : « de toute façon, ça se fera ». Bref, pour qui voulait l’entendre, c’était « circulez, y’a rien à voir ». Pas de quoi les inquiéter vraiment, se disaient-ils.
Et puis, patatras : Le 23 juillet 2014, les commissaires de l’enquête publique « Loi sur l’eau » du Center Parcs de Roybon rendirent leur rapport. 727 contributions écrites, dont soixante pour cent de réponses défavorables, plusieurs réunions publiques, plusieurs semaines d’enquête et de travail acharné, qui conduisirent à 13 conclusions irrévocables : le verdict était unanimement défavorable. En France, terre « des Droits de l’Homme », nous eussions pu penser que la messe était dite et que monsieur Brémont, PDG du « barnum » Pierre et Vacances, s’en irait massacrer les écrevisses et les grenouilles ailleurs. Que nenni. Balayant d’un revers de la main les 250 pages de l’enquête, monsieur le Préfet de l’Isère décréta urbi et orbi, que le projet « se ferait ». Soupirs et soulagement du promoteur, glapissements victorieux des élus et de leurs affidés. Le Droit, affirmaient-ils, était respecté. La légitimité républicaine aussi. Et de claironner leur ineffable satisfaction.
A nouveau, patatras ! Ce furent d’abord 250 dangereux « gauchistes » et autres « anarchistes », qui se réunirent à proximité du chantier pour exprimer leur colère. Puis il y en eut 600. Puis il y en eut plus de mille. (Décidément, le réservoir à anarchistes est presque aussi rempli que les caisses de l’Etat et de Pierre et Vacances sont vides !!) Comme les travaux avaient débuté en dépit des recours, une vieille maison forestière, aujourd’hui abandonnée, mise en vente et dont personne ne veut, fut occupée. Une nouvelle ZAD fut créée. Cris d’orfraie des saccageurs de forêts, d’autant plus vexés que les élus écologistes, dont la courageuse députée de la 9ème circonscription de l’Isère et la très opiniâtre députée EELV, tête de liste du Sud-est aux européennes, soutenaient activement la lutte… Aujourd’hui, le gouvernement tremble en pensant à Sivens et à NDDL. Aujourd’hui, les associations et collectifs anti Center Pars se comptent par dizaines. Une pétition sur la toile a réuni plus de 17000 signatures et ce n’est qu’un début
Par l’odeur de ZAD alléchées, les nuées médiatiques se sont abattues sur Roybon, avides de relater ce qui, jadis évoquait Clochemerle, et relève aujourd’hui du débat national. « Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain », les fanatiques de la déforestation en appellent à « la force injuste de la loi » (François Mitterrand). Que les gendarmes fassent leur office, hurlent-ils en gesticulant à l’assemblée, ou ceints de leurs belles écharpes tricolores, défilant devant la statue de la Liberté (un comble !!) de Roybon. Qu’ils cognent et qu’on n’en parle plus, ajoutent-ils. Des « vigiles » cagoulés semblent avoir déjà cogné… Mais on en parle encore plus !!
Le Conseil Général de l’Isère vient d’annoncer qu’il supprimait les subsides accordés à la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature, (FRAPNA), coupable d’indiscipline pour avoir, elle aussi, osé déposer un recours contre l’arrêté préfectoral. Le 7 Décembre, bras dessus bras dessous, des élus du Front National défilaient, selon le site du Point, aux côtés de la droite et du PS, pour soutenir Pierre et Vacances. La très sainte alliance que voilà !! Encore plus fort que celle du « sabre » et du « goupillon »! Le côté obscur de la force continue d’étendre son ombre maléfique sur les Chambaran, mais la rébellion croît et se multiplie encore plus vite que les déroutes électorales du Parti Socialiste…
Cet article a été publié par Charlie Hebdo le 26 novembre 2014
Les socialos sont impayables. À Roybon, dans l’Isère, ils soutiennent un projet touristique qui passe par la destruction d’une zone humide, exactement comme dans le Tarn. Pour mettre à la place une bulle tropicale à 29 degrés et une rivière « sauvage » en plastique bleu.
Ces enfoirés sont en train de tout saloper. Maintenant, au moment même où vous lisez Charlie. Les engins de chantier de Pierre et Vacances – on va reparler de ces amis de l’homme – travaillent le week-end, les jours fériés, la nuit, pour créer l’irréversible. Depuis le 20 octobre, le chantier du Center Parcs de Roybon (Isère) bousille, hectare après hectare, le bois des Avenières, au bord de l’immense forêt de Chambaran. Daphné, une jeune nana, au cours d’un rassemblement sur place le 17 novembre : « On n’a plus vraiment le temps d’attendre les recours légaux, et donc, on est un peu forcés de désobéir à la loi pour ralentir et stopper ce chantier ». Le résultat des deux recours sera connu dans une dizaine de jours, et les écrabouilleurs espèrent, dans tous les cas, qu’il n’y aura plus rien à sauver.
Séance décryptage : le 4 décembre 2009, le conseil général d’Isère – socialo, comme celui du Tarn – signe un protocole d’accord avec une transnationale du tourisme de masse, Pierre et Vacances (voir encadré). On déplie le tapis rouge pour une opération officiellement destinée à « équilibrer l’activité touristique » dans la partie Ouest de l’Isère, grâce à « la réalisation d’opérations significatives, à fort impact économique ».
Dans les faits, il s’agit de fourguer 200 hectares, dont une grande partie constituée d’une zone humide forestière, d’une très grande valeur écologique. Le village de Roybon – moins de 1300 habitants en 2011 -, propriétaire des lieux, accepte de vendre, probablement appâté par une taxe locale d’équipement de 1,2 million d’euros, suivie d’une taxe foncière de 500 000 euros chaque année. Passons au magnifique projet. Il s’agit d’installer douillettement un millier de « cottages » en bois, avant de faire venir 5 000 victimes en flux tendu pour se ressourcer « en pleine nature » à la sauce Pierre et Vacances. Après avoir détruit la vraie, cette emmerdeuse de toujours. Compter quand même de 600 à 800 euros pour une semaine et quatre personnes.
La très goûteuse cerise s’appelle AquaMundo, qui est le cœur même du « village ». C’est tellement con que ça décourage la moquerie. On créerait une bulle tropicale à 29 degrés – sur place, le thermomètre peut descendre à – 20 degrés -, traversée par une « rivière sauvage » en plastique bleu, qui sinue entre piscines et bassins surmontés de palmiers. Comme le dit sur le ton juste la publicité officielle, « admirez les poissons dans le bassin aux coraux et détendez-vous dans nos Centres Health & Beauty, Nature & Spa. Et si toute cette eau vous a donné soif, l’Aqua Café est là pour vous désaltérer et vous restaurer ».
On se demande dans ces conditions idylliques-là pourquoi il y a des opposants. Toutes les associations historiques sont vent debout, à commencer par la Frapna (Fédération Rhône-Alpes de protection de la nature, http://www.frapna-38.org/thematiques/center-parcs-roybon.html). Mais les opposants les plus directs se retrouvent dans Pour les Chambaran sans Center Parcs (PSCCP,http://www.pcscp.org), notamment pilotée par Stéphane Peron, un informaticien venu de la région parisienne. Dans le clair-obscur de la bataille en cours, des Camille – nom générique donné aux jeunes opposants, de Notre-Dame-des-Landes à Sivens – poussent comme autant de champignons. Des actions illégales – sabotage du piquetage du chantier – ont déjà eu lieu, mais on va probablement vers des affrontements. « Deux collectifs viennent de naître, précise pour CharlieHenri Mora, opposant de toujours. L’un sur place, l’autre à Grenoble. Ce n’est pas un secret : il y a parmi eux des illégalistes ».
Il faut dire que Pierre et Vacances s’assoit avec bonhomie sur l’enquête publique, en général sous contrôle, mais qui a tourné à l’horreur pour les amoureux des palmiers et poissons violets. Organisée du 14 avril au 28 mai, elle a recueilli 727 observations – ce qui est beaucoup – dont 60 % défavorables. Comble de tout, la commission d’enquête chargée de statuer sur le projet a publié en juillet un rapport de 25 pages dévastateur. Non contente de donner à l’unanimité un avis défavorable, elle détaille en 12 points les raisons de son opposition.
Charlie ne peut insister, et c’est dommage, car pour une fois, c’est beau (1). L’étude préalable, à la charge de l’aménageur, aura été brillantissime, car dit le texte, « la commission relève des affirmations régulières d’absences présumées d’impact avant tout inventaire ». Le principe est connu : qui ne cherche pas ne trouve rien. Autre point admirable, celui du destin des flots tropicaux. Car n’oublions jamais qu’il faut vider les chiottes, un jour ou l’autre. Or pour remplir tout AquaMundo, il faut entre 3100 et 3700 mètres cubes d’eau. Dans une région qui connaît, soit dit en passant, des sécheresses saisonnières récurrentes.
Où vidanger ? Pour des raisons sanitaires, il faut tout évacuer au moins deux fois par an. Quels produits chimiques contiendra la bouillie ? Nul ne le sait, mais en tout cas, on bazardera le tout dans un plan d’eau voisin, après avoir attendu que la température tahitienne baisse à un niveau jugé convenable. De là, le vomi gagnera un cours d’eau, puis sans doute, beaucoup plus loin, le Rhône. Et où pompera-t-on les centaines de mètres cubes – entre 613 et 1200 – nécessaires chaque jour pour abreuver les taulards des vacances ? En bref, estime la commission, « la multitude d’incertitudes, d’incohérences, voire d’incorrections, que comporte le dossier d’enquête au titre de la « loi sur l’eau » (…) confère un caractère rédhibitoire au projet en l’état ».
Malgré tout cela et tant d’autres choses, passage en force, soutenu par deux secrétaires d’État socialistes de la région : André Vallini, qui a failli devenir Garde des Sceaux, et Geneviève Fioraso, scientiste hors concours. Sivens le retour ?
Pierre et Vacances, la transnationale derrière le projet de Roybon, pèse près d’1 milliard 500 millions d’euros de chiffre d’affaires. Ce mastodonte emploie 7500 salariés et « gère » au total 231 000 « lits ». La Côte d’Azur doit beaucoup à Pierre et Vacances, l’un des plus grands bétonneurs des côtes françaises.
Créé en 1968 par le néerlandais Sporthuis Centrum, le « concept » des Center Parcs et les villages existants ont été rachetés par Pierre et Vacances en 2001. Il existe à ce jour, en Europe, 25 Center Parcs. En France, quatre sont ouverts, deux sont plus ou moins commencés, dont celui de Roybon, et trois sont en projet dans le Jura, dans le Lot-et-Garonne et en Saône-et-Loire.
Dans ce dernier département, la bagarre a dé jà commencé autour du collectif du Geai du Rousset (http://centerparc-le-rousset.org), qui proteste contre les 80 millions d’argent public qui pourraient être engloutis dans ce projet privé. Et réclame comme tous ceux qui vomissent les Center Parcs, « l’abandon de ces projets inutiles et coûteux ». Dans le Jura, la mobilisation a elle aussi commencé, et certains pensent déjà à une coordination nationale des opposants aux Center Parcs.
Sauf grosse surprise, Pierre et Vacances commence un long chemin de croix.
Affaire du Center Parcs de Roybon: la FRAPNA Isère craint un retour de bâton
La section iséroise de la Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature redoute de perdre l’aide du Conseil général de l’Isère en raison de son opposition au projet d’implantation d’un Center Parcs à Roybon. « Une pression inacceptable sur un lanceur d’alerte reconnu », commente la FRAPNA.
A l’heure du défrichement sur le site du futur Center Parcs, la FRAPNA régionale fait partie des associations qui ont saisi la Justice pour demander l’annulation des dernières autorisations préfectorales. Une situation qu’une partie des élus de gauche du Département aurait du mal à accepter car la FRAPNA Isère est aidée par le Conseil général et le Conseil Général soutient le projet Center Parcs.
« On nous fait comprendre que nous avons franchi une ligne jaune, et qu’un nouveau partenariat est impossible », explique Francis Meneu, le président du mouvement. Évidemment, du côté du Département, on est plutôt discret sur la question. Et le défenseur de la nature de poursuivre: « Quel dommage d’en arriver là alors que notre action est reconnue en matière d’éducation, de sensibilisation et de protection de l’environnement isérois! »
Certains y voient « une pression inacceptable sur un lanceur d’alerte ». « Depuis octobre 2008, la FRAPNA n’a cessé d’alerter élus et techniciens sur l’inadéquation du site d’implantation de ce projet, qui est une vaste zone humide », peut-on lire dans un communiqué. « On ne se laissera pas intimider et on défendra jusqu’au bout notre droit au renouvellement de la convention de partenariat. » Dans le pire des cas, l’association envisage déjà un grand appel aux dons.
NON Au Projet D’implantation D’un Center Parcs À Roybon
Samedi, 25 Octobre, 2014 – 11:00
Le Parti de Gauche s’élève contre l’accord du préfet de l’ Isère au projet d’implantation d’un Center Parcs à Roybon.
Ce projet consiste à bâtir un « village » de loisirs privé nanti d’une piscine chauffée géante sous cloche, d’une capacité d’accueil de 5000 personnes et d’une emprise de 200 hectares avec les voiries afférentes, pris sur la forêt des Chambaran, .
Au plan écologique, le projet du promoteur immobilier Pierre & Vacances, très gourmand en eau, localisé sur la tête d’un bassin versant s’étendant jusqu’à la Drôme, en hypothèque sérieusement l’équilibre hydrogéologique. Il fragilise la survie d’espèces endémiques rares et protégées.
La décision préfectorale, si elle était suivie d’effets, consacrerait la destruction irréparable d’une zone humide du domaine public livré aux appétits d’un groupe privé. Les contreparties en termes d’emplois créés, leur coût exhorbitant pour la collectivité, la qualité des emploi créés, ne sont ni convaincants ni suffisantes à nos yeux pour justifier un tel massacre.
Pour le Parti de Gauche, l’écosystème est notre bien commun le plus précieux, sa valeur est inestimable, et sa préservation est un enjeu vital pour l’humanité.
Sur un plan institutionnel, les décisions préfectorale contournent purement et simplement l’avis clairement négatif émis par la commission d’enquête publique « Loi sur l’eau », ce qui constitue une circonstance aggravante extrêmement préoccupante.
En effet ces décisions ne tiennent pas compte de plusieurs dispositions de La loi sur l’eau, du Schéma d’Aménagement et de Gestion des Eaux, ainsi que du Schéma Régional de Cohérence Ecologique auxquelles la commission d’enquête se réfère scrupuleusement au fil des 250 pages de son rapport : elle en a tiré une douzaine de conclusions, toutes négatives !
Sur le plan politique enfin, cette décision trahit l’emprise prépondérante de lobbies au service d’ intérêts privés dans nos institutions.
Les oppositions citoyennes au projet de Center-Parcs de Roybon , comme au projet de barrage de Sivens dans le Tarn, sont du même ordre : ce sont des luttes d’intérêt général.
Dans les deux cas, le Parti de Gauche s’engage résolûment à leur côté et appelle à amplifier la mobilisation jusqu’à l’abandon de ces projets.
PROJET CENTER PARCS LE ROUSSET : UN COLLECTIF D’OPPOSANTS, « LE GEAI DU ROUSSET », INFORME HONNETEMENT LES CONTRIBUABLES
Un collectif départemental s’oppose à ce projet pour son impact global sur l’environnement mais aussi pour des considérations économiques, sociales, d’aménagement du territoire rural et d’eco-développement du tourisme. Lire la suite… »
ISÈRE-DRÔME – APRÈS L’AVIS DÉFAVORABLE DE LA COMMISSION D’ENQUÊTE, LA DIRECTION DU CENTRE DE LOISIRS PRÉPARE UN NOUVEAU DOSSIERCenter Parcs : peut-être en 2017
le 28/07/2014 à 05:00 | M.-M.Remoleur Vu 5902 fois
À droite, l’intervention de Sylviane Bonnot, maire de Rousset, favorable au projet, a suscité de nombreuses réactions du côté des opposants. Photo M.-M.R
Dimanche, une soixantaine de militants opposés à l’ouverture du Center Parcs se sont réunis au Rousset.
Organiser l’opposition contre l’ouverture du Center Parcs, voilà le but de l’échange mené hier par le collectif « Le Geai du Rousset » sur la place de la mairie. Une soixantaine de militants du collectif départemental et d’un mouvement de chômeurs étaient présents, hier, pour pointer les risques de l’ouverture du centre de loisir mais aussi pour appeler au rassemblement.
Des élus, membres du collectif et habitants du Rousset se sont exprimés tour à tour, énonçant les raisons économiques, environnementales et sociales de leur opposition au projet. Rappelons que cette initiative menée par le groupe Pierre & Vacances prévoit la construction d’un centre de loisir dans la forêt du Rousset vers Joncy, projet censé créer 300 emplois.
Le collectif a dénoncé le manque de transparence mais aussi l’exploitation abusive de la biodiversité que sous-tend l’implantation du parc, notamment dans la consommation excessive des ressources d’eau. « Nous ne voulons pas d’un projet qui détruise la nature et l’humain, déclare Nicole Eschmann, vice-présidente du conseil régional. Il ne va faire qu’entretenir des emplois précaires ».« Un projet destructeur »
Un parallèle avec la situation des autres Center Parcs a été dressé pour montrer les conséquences néfastes en terme d’emploi.
Faire émerger un mouvement local
« Le projet manque de transparence démocratique. On voudrait des réunions publiques pour que les populations concernées puissent réagir et poser leurs questions », exprime Denis Cherlel, membre du collectif. Le but serait à terme de créer une association locale pour mettre en valeur le tourisme rural.
Dans les revendications des opposants, le gaspillage de l’argent public a été abordé. « On voudrait voir une conception du tourisme plus humaine, locale, rurale et environnementale, atteste Nicole Eschmann. Beaucoup de projets locaux attendent d’être financés ».
Center Parcs recherche 150 hectares dans le Lot-et-Garonne
Publié le 26/04/2014 à 03:49, Mis à jour le 26/04/2014 à 07:44
Damazan (47) – Économie
Le groupe «Pierre et Vacances», qui chapeaute les Center Parcs, s’est mis en quête du site idéal./Photo reproduction
Et maintenant, au travail ! Ce n’est pas seulement Pierre Camani qui le dit, c’est aussi Jean-Michel Klotz, le directeur général adjoint de «Pierre et Vacances». On cherche 150 hectares dans l’ouest du département.
L’épicentre de l’économie touristique en Lot-et-Garonne devrait se situer entre Damazan et Casteljaloux. Rien n’est fait, bien sûr. Mais en annonçant (lire notre édition d’hier) l’arrivée d’un Center Parcs à l’horizon de 2018, Jean-Michel Klotz, le directeur général adjoint de «Pierre et vacances» a précisé très clairement, sinon la localisation exacte du futur emplacement, du moins ce qu’il attend du site lui-même. «Proche d’un échangeur autoroutier, proche d’un massif forestier et d’une surface de 150 hectares». Inutile de dire que, depuis hier matin et l’annonce faite, d’abord, en commission permanence à destination de tous les conseillers généraux, les élus se penchent sérieusement sur les zones d’accueil possibles. «On devrait connaître au début de l’automne le site choisi.» Ensuite viendra le temps du dépôt des dossiers, de l’obtention des autorisations, du permis de construire. «On pense que les travaux débuteront vers 2016» expliquait Jean-Michel Klotz balayant au passage, ainsi que Pierre Camani, la question que certains posent sur un éventuel effet d’annonce qui ne serait pas suivi d’effet. «La stratégie de développement de «Pierre et Vacances» la conduit aujourd’hui à étendre son activité dans le sud-ouest de la France. Pour des raisons d’accessibilité autoroutière et ferroviaire, de centralité géographique et de réputation touristique, le Lot-et-Garonne apparaît propice à l’implantation d’un site d’hébergement touristique de la gamme Center Parcs, qui recevra alors l’appellation Center Parcs Aquitaine Lot-et-Garonne et qui sera le premier de ce type dans le grand quart Sud-Ouest.»
Front commun pour Center Parcs
Une inquiétude que l’opposition au conseil général ne porte même pas. Par la voix d’Alain Merly, «les élus d’opposition se réjouissent du projet d’implantation d’un Center Parc en Lot-et-Garonne annoncé par le directeur général du groupe «Pierre et Vacances». Et Pierre Merly ajoute, «Il s’agit d’un projet important pour l’économie du département qui, s’il aboutit, devrait créer environ 300 emplois directs et permettre 5 millions d’euros de retombées pour l’économie locale. Ce Center Parc renforcera, en outre, la vocation touristique du département et viendra en complément de ressources comme le parc Walibi, la navigation fluviale ou encore les thermes de Casteljaloux. Nous serons donc tous mobilisés pour qu’il se concrétise dans l’intérêt de notre département.» Seul petit bémol, «si le département présente toutes les caractéristiques nécessaires pour l’accueil de ce centre, son succès dépendra largement de la qualité des accès routiers, autoroutiers et ferroviaires au site.
Les élus d’opposition espèrent vivement que le conseil général prendra ses responsabilités et sera en mesure de réaliser les investissements nécessaires pour l’aboutissement du projet.»
Matthias Fekl soutient le projet
«Le projet d’ouverture d’un Center Parcs en Lot-et-Garonne est un enjeu majeur pour l’attractivité et le rayonnement de notre département» explique, lui, Matthias Fekl le député socialiste du Marmandais.
«L’un des grands défis pour le Lot-et-Garonne, c’est de garder toute sa place entre les deux grandes agglomérations de Bordeaux et de Toulouse et d’être une terre de développement et de qualité de vie au cœur du Grand Sud-Ouest. Le projet de Center Parcs va dans ce sens.» Mathias Fekl insiste sur les créations d’emplois et la diversification économique qu’il induira pour nôtre département, «en le positionnant davantage encore en matière de développement du tourisme au cœur du grand Sud-Ouest.» Et Matthias Fekl a, d’ores et déjà, évoqué le projet Center Parcs avec Alain Rousset, président du conseil régional d’Aquitaine. «Avec les élus, nous porterons ce dossier au conseil régional, tout en veillant au respect des engagements pris en matière d’embauches, d’exemplarité sociale et environnementale, et en étant à l’écoute des attentes locales des citoyens.»
PROJET CENTER PARCS : NON, CE N’EST PAS « FAIT », COMME L’ECRIT LE JSL DANS SON EDITION DU 28 MARS !
La CAPEN s’oppose à ce projet pour son impact global sur l’environnement mais aussi pour des considérations économiques, d’aménagement du territoire rural et de tourisme.
Saône & Loire – Le Rousset
La CAPEN est opposée au projet d’un Center Parc sur le territoire de la Commune du ROUSSET ( voir Points Noirs ) . Le vote du Conseil Général de S&L, les subventions du CG et du Conseil Régional pour ce projet inutile n’empêchent pas les lois d’exister ni n’exemptent les collectivités de les respecter, ainsi que les procédures préalables. A moins d’admettre que les enquêtes publiques sont une farçe, que la loi sur l’eau n’existe que pour être contournée ( comme à ST GENGOUX…), bref, que les beaux discours sur l’environnement ne sont qu’une façade. La CAPEN attend d’avoir en mains les conditions du contrat, les éléments de l’enquête publique pour faire respecter le droit de l’environnement.
Retour sur les arcanes d’un projet
Loi de finances 2014 : un amendement du gouvernement du projet de loi de finances 2013 a prolongé un dispositif fiscal, dit « CENSI-BOUVARD », défendu par CAHUZAC, ex-ministre du budget, peu après qu’il ait rencontré le PDG de « Pierre & Vacances »….Le système le ferait bénéficier d’un avantage fiscal pour des intérêts privés sans aucune évaluation sérieuse de son bilan sur la nature et l’emploi local.
La CAPEN a écrit aux députés de S&L, au président du Conseil Général du département, a-priori favorables à ce projet, en leur demandant de faire abroger ce dispositif gaspillant de l’argent public qui serait mieux employé – en matière de création d’emplois dans le tourisme rural, notamment – en optimisant les richesses naturelles et patrimoniales du Mâconnais-Clunisois. Après les municipales, la CAPEN écrira aux mairies concernées et a édité un tract d’information avec l’association locale Action Solidarité Rurale ( asr@laposte.net).
Elle a reçu le 16 décembre 2013 une longue réponse de Rémi CHAINTRON, Président du Conseil Général de S&L, qui propose de rencontrer la CAPEN et l’ASR en janvier 2014. Mais pas de nouvelle à ce jour. Le Conseil Général craindrait-il le débat public ?
Après avoir rencontré les associations jurassiennes opposées au même projet sur POLIGNY ( P&V fait monter les enchères entre les 2 sites potentiels), pris contact avec les autres sites en France pour un retour d’expérience partagé, la CAPEN a voté à l’unanimité une motion d’opposition à ce projet inutile lors de son AG à SALORNAY S/GUYE le 22 février. Un dossier est disponible ( bientot en ligne).
Rien n’est donc fait…Pour nous faire part de votre avis : contact@capen71.org
Il y a tout juste un an, le 16 octobre 2012, débutait l’opération « César » menée par les forces de l’ordre. Elle visait à expulser les personnes qui, pour s’opposer au projet de construction d’un aéroport à Notre-Dame-des-Landes et au monde qui l’a rendu possible, s’étaient installées sur le site. Elle visait aussi à détruire les cabanes qu’elles avaient construites et les maisons qu’elles avaient squattées depuis plusieurs années. Cette opération brutale, menée avec une rare violence, devait régler, par sa puissance et son effet de surprise, la situation rapidement. Dès les premières heures, les autorités annoncèrent fièrement mais bien imprudemment un retour à l’ordre. Ce qui paraissait alors comme étant la fin d’une occupation allait pourtant devenir le début d’un mouvement qui n’a cessé depuis et qui s’est étendu au-delà du territoire concerné. Affrontements, barricades, création de plusieurs sites Internet et d’une radio, création de comités de soutien dans l’ensemble du pays, nouvelles occupations et réoccupations, solidarités, constructions et reconstructions, appels à étendre ce mouvement et à s’opposer à d’autres projets, rencontres, débats, publication de tracts, d’articles, de brochures et de livres, sabotages, mises en culture et récoltes collectives, partages des terres et des récoltes, distributions des produits récoltés à prix libre, etc., un mouvement d’une telle importance était rarement allé aussi loin.
Pourtant rien ne peut paraître aussi fragile. L’État n’a, de toute évidence, pas abandonné le projet. Le statu quo actuel, les pseudo-commissions créées, la libération des lieux par les forces de l’ordre nous font craindre que l’on cherche à laisser pourrir la situation. Le silence, et certaines insinuations des grands médias sur ce qui se passe à Notre-Dame-des-Landes, accompagnent la nécessité pour les pouvoirs publics de rompre le mouvement et reprendre en main une situation qui leur échappe. Il n’est pas nécessaire ici de dénoncer les connivences et les intentions des médias dans cette affaire. Hervé Kempf, ancien journaliste du Monde a quitté la rédaction du journal car nous dit-il, la direction l’a « empêché de poursuivre dans ce journal enquêtes et reportages sur le dossier de Notre-Dame-des-Landes ». Il dénonce dans un article, la manière dont, soi-disant dans un souci d’objectivité, un journal fait le jeu des promoteurs du projet d’aéroport. Le lecteur pourra retrouver cet article, à l’adresse suivante :
Il est nécessaire aujourd’hui de bien comprendre quelles sont les forces en présence dans ce conflit et d’avoir à l’esprit que les opposants au projet de construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ne sont pas tous contre le monde qui l’a rendu possible, et que les promoteurs du projet et leurs soutiens ne manqueront pas d’utiliser cette réalité pour diviser le mouvement. Cependant il ne faut surtout pas abandonner ce qui a donné à cette lutte ses lettres de noblesse : sa subjectivité. C’est-à-dire ses perspectives visant à remettre en question la manière de vivre, de produire et de partager, mais aussi la propriété, le travail et la marchandise.
Nous relayons ci-dessous les 3 volets des Dialogue à propos de Notre-Dame-des-Landes que nous avons reçus et qui ont été publiés successivement durant l’année 2013.
Jeudi 11 juillet 2013, à 14h00 au Tribunal de grande instance de Laval, cinq personnes seront jugées pour avoir volontairement dégradé, le 28 avril 2012, un pylône de la ligne THT Cotentin Maine, par laquelle devrait transiter l’électricité produite par le réacteur nucléaire EPR en construction à Flamanville. L’action menée ce jour-là paraît bien dérisoire et anodine à côté de tous les maux qu’a entraînés, qu’entraîne et qu’entraînera l’industrie nucléaire et ses lignes à très haute tension.
Vous trouverez ci-dessous leur communiqué et l’appel à dons auprès du fonds de soutien. On estimerait déjà à quelques dizaines de milliers d’euros les frais à venir…
Merci de les soutenir et de faire suivre cet appel,
Quelques opposants à Center Parcs
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L’ÉTAT FAIT JOUER SA JUSTICE FACE À L’OPPOSITION AU NUCLÉAIRE ET À LA THT
Du nouveau, notre report du procès du 21 mars se déroulera le jeudi 11 juillet à 14 h au tribunal de grande instance de Laval, 13, place Saint Tugal.
Nous vous invitons dès 12 h devant le tribunal pour un repas à prix libre
N’oublions pas que ce sont désormais au moins 9 procès qui ont eu lieu et auront lieu pendant le premier semestre 2013. Nous en profitons donc pour relancer un appel à don auprès du fonds de soutien aux inculpé-e-s des luttes anti-THT et anti-nucléaire (voir en bas de page). On peut déjà estimer à quelques dizaines de milliers d’euros les frais à venir… !!!
Presque vingt-six ans jour pour jour après le désastre de Tchernobyl, une petite centaine de personnes est venue s’attaquer, le 25 avril 2012, à un tentacule du nucléaire dans la région, un pylône de la ligne à très haute tension Cotentin-Maine.
Neuf mois après, cinq personnes sont sommées de se présenter à la gendarmerie de leur domicile (Rennes, Plélan-le-Grand, Coutances, Paris, Le Mans). Mis en garde à vue pour vingt-quatre heures renouvelables, mais finalement relâchés dans la journée, nous sommes poursuivis pour dégradations en réunion sur un bien d’utilité publique et refus de donner notre ADN. Pour défendre une industrie qu’il ne voudrait voir souffrir d’aucune critique, l’État fait jouer son arsenal judiciaro-policier. Nous nous retrouvons sur le banc des accusés ainsi que d’autres, concernés tant par l’opposition à la THT que par les blocages de trains de déchets nucléaires (Valognes et Caen). On aurait pourtant tendance à penser, deux ans après la catastrophe en cours de Fukushima, que c’est l’industrie nucléaire dans son ensemble qui est condamnable par son inconséquence – des dégâts incommensurables occasionnés par les mines d’uranium et par son enrichissement à ceux de la ligne THT, en passant par l’exploitation erratique des centrales, les tares du retraitement et la longue aventure du stockage des déchets…
L’action menée ce jour-là paraît bien dérisoire et anodine, mais hautement symbolique, à côté de tous les maux qu’a entraînés, qu’entraîne et qu’entraînera l’industrie nucléaire et ses lignes à très haute tension.
Faute d’avoir reçu le dossier de notre affaire dans un délai suffisant pour pouvoir préparer une bonne défense, l’audience initialement prévue au21 mars 2013 a été reportée au jeudi 11 juillet à 14h00 au Tribunal de grande instance de Laval, 13 place Saint Tugal.
Les prévenu-e-s du 21 mars/11 juillet
Fonds de soutien :
Chèque à l’ordre de l’APSAJ – Association pour la solidarité et l’aide juridique : APSAJ, 6, cours des alliés, 35000 Rennes
L’opposition contre la démolition du parc Gezi à Istanbul a déclenché une répression féroce qui a gagné aujourd’hui toute la Turquie. À l’origine du mouvement de contestation, la volonté des pouvoirs publics de construire une réplique d’anciennes casernes militaires de l’empire ottoman qui accueillerait un centre culturel, un musée et un centre commercial en plein centre-ville, en lieu et place du parc de Gezi, près de la place Taksim. Lorsque les bulldozers ont commencé à arracher les arbres du parc, des manifestants se sont interposés devant les machines. La violence des forces de l’ordre s’est faite immédiatement et sans limite et a provoqué la mort de deux personnes et fait plus d’un millier de blessés. La contestation qui demande actuellement la démission du premier ministre, Recep Tayyip Erdogan. s’est rependue dans une soixantaine de villes. « Depuis dix ans, Istanbul connaît une inflation de projets d’aménagement, qui s’est accélérée ces deux dernières années. Le premier ministre veut en faire la vitrine internationale de la Turquie, explique Benoit Montabone, géographe à l’université de Rennes et spécialiste de l’urbanisation turque. Recep Tayyip Erdogan cherche à se poser en bâtisseur avant l’élection présidentielle. » (cf. « Des projets d’urbanisme démesurés à l’origine des émeute d’Istanbul » in Le Monde du 5juin 2013)
« Le pays tout entier est vendu à des sociétés par le gouvernement, pour la construction de centres commerciaux, des condominiums de luxe, des autoroutes, des barrages et des centrales nucléaires » nous rapporte le blog Insanlik Hali dans l’article : « Que se passe-t-il à Istanbul ? » (http://defnesumanblogs.com/2013/06/01/what-is-happenning-in-istanbul/traduit par Atlas Alternatif : http://atlasalternatif.over-blog.com)
Cette réalité dépasse bien évidemment les frontières turques. La mégalomanie de certains élus et technocrates et le fait de vouloir faire des territoires des vitrines alléchantes pour attirer les clients (qui bénéficieront de toutes les infrastructures de transports qu’on leur aura aménagées) sont inhérents à la société capitaliste actuelle qu’elle soit administrée par l’AKP (Parti de la justice et du développement) comme en Turquie ou par d’autres comme partout ailleurs. En France aussi les projets et les profits se multiplient : la revue Silence du mois de juin consacre un dossier sur les contestations aux « grands projets inutiles imposés » auquel nous avons été invités à participer. Le lecteur pourra donc retrouver un article sur le projet de Center Parcs dans les Chambarans et notre opposition que nous vous livrons ci-dessous et en pièce jointe. Vous pourrez également consulter dans ce dossier de la revue Silence un article sur l’opposition à l’A831, un article sur la lutte contre la ligne grande vitesse Lyon-Turin, un autre sur l’opposition paysanne à la construction de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et un dernier à propos de la lutte contre la construction à Flamanville du réacteur EPR.
Contrairement aux projets de centrales nucléaires, décharges, aéroports ou autoroutes, en général mal accueillis par les riverains ou les environnementalistes pour ce qu’ils engendrent de nuisances, pollutions et dangers palpables, le projet de Center Parcs isérois se voyait au début plutôt peu critiqué, voire accepté.
Dès le départ fin 2007, la communication de ses promoteurs fut adroitement tournée sur la « région à l’agonie », les « centaines d’emplois créés », et l’assurance d’une exemplarité sur son « impact environnemental ». Un vrai sauvetage écologiste et durable de la région ! C’est dans ce contexte qu’une opposition a dû se constituer.
Mais de quoi s’agit-il au juste ? Si ce projet voyait le jour, il s’agirait d’édifier à Roybon (1300 habitants) dans les Chambarans, en détruisant l’actuel bois des Avenières, une ville de vacances clôturée et payante de 200 ha dans laquelle seraient construits 1021 bungalows pouvant accueillir plus de 5000 touristes. N’oublions pas « l’aquamundo » qui fait le succès des Center Parcs : sous cette serre maintenue à 29°C toute l’année, au milieu d’une végétation tropicale, autour d’une piscine à remous ou dans la « rivière sauvage », le client pourrait pratiquer de multiples activités sportives et « écologiques ». Sous la bulle, il dépenserait sans compter, au restaurant ou dans les boutiques. À l’extérieur mais toujours dans l’enceinte grillagée, il aurait la liberté de visiter la mini-ferme que l’on aurait reproduite pour qu’il puisse apprécier une représentation de la vie paysanne que les Center Parcs contribuent à détruire. Il pourrait suivre à cheval, à VTT, ou en se glissant dans la peau d’un aventurier accrobranchiste, quelques parcours dans ce bois privatisé que l’on aurait préalablement nettoyé des arbres dont le tronc ferait moins de 30 cm de diamètre, le cahier des charges l’exigeant.
Paradis fabriqué pour juteux profits
Cette sorte de ville-camp-refuge est proposée à des touristes préférant se retrouver dans un décor et une ambiance modelés, à l’écart de la vie réelle, là où ils peuvent consommer une représentation d’un exotisme rassurant et se divertir en ayant tout à portée de main (et de portefeuille !).
La société Pierre & Vacances, qui développe ce concept de paradis fabriqué, sans voiture et sous surveillance, est avant tout alléchée par l’opération immobilière. Elle choisit les emplacements potentiels des futurs Center Parcs, en « zone de revitalisation rurale » afin que les investisseurs bénéficient d’avantages fiscaux juteux. Outre la récupération de la TVA sur le bien acheté, les investisseurs et propriétaires seraient en partie exonérés de l’impôt sur les bénéfices locatifs.
Gérard Brémond, PDG de Pierre & Vacances, a toujours su jouer de ses relations au parlement, pour faire voter des décrets qui lui sont favorables, décrets d’ailleurs baptisés dans les couloirs de l’assemblée « les amendements Brémond ». Il aura même réussi, cet automne, à convaincre le ministre du Budget de renoncer jusqu’en 2016 à tailler dans les avantages fiscaux de la loi Scellier dont la fin était prévue par la loi de finance en 2012. Cet industriel habile, pour choisir un emplacement à son futur Center Parcs, a mis en concurrence deux départements, l’Isère et la Drôme.
Entre 2008 et 2009,André Vallini, président du Conseil général de l’Isère a dû concéder, pour remporter le challenge face à la Drôme, une aide de 15 millions d’euros dont 7 millions offerts directement aux investisseurs au titre des subventions aux créateurs de gîte (7000 euros versés par « cottage ») et 8 millions pour la viabilisation et les équipements publics. La Région Rhône-Alpes, quant à elle, contribuerait à hauteur de 7 millions et la communauté de communes pour 15 millions.
Le terrain, propriété de la commune de Roybon, était jusqu’alors classé non constructible ; il a été acquis pour 30 centimes d’euros le m² alors que le m² constructible dans la région dépasse parfois 80 euros… Il a suffi par la suite de modifier le PLU pour rendre possible le projet de construction. La société Pierre & Vacances pourrait ensuite proposer la vente des « cottages », sur plan à des investisseurs, à des prix exorbitants (235 000 € pour un 54 m² et 372 000 € pour 85 m²).
Oser lutter pour un territoire sans valeur marchande
Dans ce contexte de projet plutôt bien accueilli, l’opposition au Center Parcs dans les Chambarans, s’est tout d’abord manifestée, dès 2008, de manière sporadique et individuelle. Le bois des Avenières ne présentant pas d’espèces « emblématiques » remarquables ou en voie de disparition, la plupart des associations environnementalistes manifestaient seulement quelques inquiétudes et suggéraient d’accompagner le projet et d’en surveiller l’exemplarité. Certaines se virent publiquement félicitées par les élus pour leur esprit constructif. Elles espéraient imposer quelques mesures rendant la construction du Center Parcs plus respectueuse de l’environnement.
C’est alors que nous, les « Quelques opposants à Center Parcs« , nous sommes réunis de manière informelle pour nous opposer à la construction de cette ville artificielle. Nous défendions, non seulement un environnement qui se verrait dévasté (zone humide, biodiversité, nappes phréatiques, gaspillage d’eau…), mais aussi notre attachement à un territoire sans valeur marchande. Nous avons collé des affiches et rédigé des textes que nous sommes allés distribuer sur les marchés et dans les boîtes aux lettres. Un blog d’archivage (1) a été créé, réunissant des documents sur le sujet et reproduisant les textes que nous diffusions.
Nous avons alors vu apparaître des témoignages de désapprobation au projet. Des pancartes hostiles furent plantées chez des riverains. Des graffitis apparurent autour de Roybon. Le panneau légal du permis de construire fut arraché. Lors de la journée organisée par Pierre & Vacances pour faire visiter l’endroit aux investisseurs, un riverain alluma dans son champ un feu de paille assez humide pour enfumer les visiteurs. Il y eut aussi quelques sabotages du travail des géomètres et notamment du bornage. On nous a rapporté que des arbres avaient été marqués de peinture comme l’étaient ceux que le cahier des charges voulait garder dans le projet, afin d’échapper à la coupe.
Refuser le « développement économique » même « alternatif »
Pour réunir cette opposition grandissante, une première promenade fut organisée sur les lieux en 2008. À sa suite, l’association officielle, « Pour les Chambaran Sans Center Parcs » (2), fut créée. Très vite nous nous sommes heurtés, au sein de l’association, à une volonté marquée de proposer des alternatives : ici un tourisme un peu plus vert et un peu plus durable ; là un parc régional. Certains proposant ce même projet à seulement quelques kilomètres de l’emplacement choisi par les promoteurs. Nous nous retrouvions ainsi, au sein de l’association, avec ceux qui, sous couvert de défendre un « développement économique dans le respect de l’environnement », voulaient améliorer l’ordre établi que nous dénoncions. Nous avons cependant réussi à ce que la contestation officielle, écologiste et associative, s’engage contre la construction. Ensemble nous avons décidé que l’association devait porter le projet en justice. Nous, les « Quelques opposants à Center Parcs » (QoCP), n’avions aucune illusion quant aux demandes de recours, mais cela nous donnait un temps de répit pour décider de la suite du combat. Et de fait, ces recours ont fortement contrarié les promoteurs et notamment André Vallini et le maire de Roybon, Marcel Bachasson, qui s’indignèrent vigoureusement dans la presse et lancèrent un appel à soutenir le projet.
Nous, QoCP, avons choisi, entre 2009 et 2010 de nous retirer de l’association officielle trop respectueuse d’un monde que nous condamnions pour continuer cette lutte en toute indépendance et sans compromission. Un recueil des textes que nous avions distribués fut publié sous le titre « Chambard dans les Chambarans »(3).
« Compensations » et promesses contre loi sur l’eau
Suite à l’appel du président du Conseil Général et du maire de Roybon, une association de soutien au projet, réunissant essentiellement des commerçants, organisa avec l’aide des élus quelques manifestations dont l’ampleur fut loin d’être celle escomptée.
La nervosité des pro-Center Parcs étant vive, nous devons, depuis, affronter la brutalité, les quolibets et les menaces de certains élus et commerçants lorsque nous diffusons nos textes à Roybon.
La société Pierre & Vacances a toujours préféré prendre le temps de se débarrasser de ses opposants avant de commencer les travaux. Aujourd’hui la plupart des recours ont été rejetés. Seul le dossier concernant la loi sur l’eau et la compensation des zones humides lui pose problème : selon cette manière technocratique de gérer le monde, il est demandé à Pierre & Vacances de compenser les 60 ha de zones humides qu’elle devrait détruire durant le chantier, par l’achat et la préservation de 120 ha de zones humides (le double) dans le département ; ce qu’elle n’arrive pas à réunir puisqu’elles sont de plus en plus rares.
Ceci n’inquiète pas André Vallini, le monsieur justice du PS, qui n’en a que faire du dossier sur l’eau et accepte l’idée de s’affranchir illégalement de ses contraintes. À la tribune du rassemblement des pro-Center Parcs, il a clairement soutenu : « si les choses s’étaient passées normalement, [sans les recours] ce soir nous inaugurerions Center Parcs ».
Nous savons par ailleurs qu’à Notre-Dame-des-Landes, les promoteurs du projet d’aéroport sont prêts à démarrer leur chantier sans que les zones humides soient compensées ; la promesse de les reconstituer (sans trop savoir ce que cela veut dire) suffirait… Le chantier pourrait donc démarrer bientôt si les décideurs jugeaient que le conflit sur le terrain est à leur avantage. Il reste à l’opposition à prouver le contraire !
Et nous, QoCP, sommes déterminés à ce que ce bois reste une forêt libre.